André Fougeron / Gourcuff Gradenigo-La Piscine

Jeudi, 20 Mars, 2014 - 09:37

Victime, mais surtout, bourreau...

"Voilà qui fait problème vrai". Il s'agit du catalogue de l'exposition présentée, à la Piscine de Roubaix, jusqu'au 15 mai 2014, et dont le commissaire général est Bruno Gaudichon, conservateur en chef, avec le soutien d'Alain et Gilles Fougeron, les enfants de l'artiste, de Lucie Fougeron, sa petite-fille, assistante du directeur du journal l'Humanité, et de Sarah Wilson, australienne, et historienne de l'art. André Fougeron fut un artiste contestable et contesté, même par celui qui est présenté, par Bruno Gaudichon, dans sa préface, comme son ami. Je parle de Louis Aragon qui écrivait, dans Les Lettres Françaises, le 12 novembre 1953 : « Peinture hâtive, grossière... composition antiréaliste, sans perspective vraie... » Louis Aragon allait plus loin encore, nous dit, l'historien et critique d'art, Michel Ragon dans son ouvrage remarquable, 25 ans d'Art Vivant : « Et qui ne peut que servir l'opinion répandue par l'ennemi de la grossièreté de cœur et de pensée des communistes... Il faut dire halte-là à Fougeron ». Fermez le ban ! Il est de bon ton aujourd'hui, de se lancer dans des réhabilitations insensées. Voici le tour du partial Fougeron. Autodidacte, sa peinture est exclusivement nourrie d'emprunts à Picasso, bien entendu, qu'il visitait régulièrement dans son atelier, à Gustave Courbet, mais aussi aux Surréalistes : Max Ernst et André Masson. On n'hésite pas à réécrire l'Histoire. N'oublions pas qu'André Fougeron, communiste, et résistant pour cela nous le louons, fut nommé responsable de l'épuration dans le monde des arts plastiques. Il régla ainsi de nombreux comptes, les siens et ceux du Parti Communiste Français, avec le sculpteur Paul Belmondo, avec le génial Othon Friesz pourtant admiré par Jean Moulin (il l'exposa dans sa galerie l'utilisant comme alibi, sans doute avec son accord), et qui exposait à la galerie de Katia Granoff, comme le fera André Fougeron. André Fougeron fut-il irréprochable pendant l'Occupation ? Non ! A-t-il refusé de vendre sa peinture ? Non, absolument pas ! Répondant en 1982, aux questions de Laurence Bertrand-Dorléac, il avouait avoir à cette époque, exposé à la galerie de France ou chez Drouin, et avoir bénéficié des largesses des clients de Jacques Villon, le frère de Marcel Duchamp. Bravo ! Où, était la règle ? Où, commençait le juste et l'injuste, pour celui qui jugea des hommes comme : André Vlaminck, André Derain, Kees Van Dongen, Charles Despiaux, Othon Friesz, André Dunoyer de Ségonzac, Roland Oudot, Paul Landowski, Paul Belmondo, etc, pour avoir fait, en 1941, le voyage à Berlin. Quelle responsabilité ! André Fougeron en fit de bien aussi impardonnables à Moscou, parmi les responsables de l'assassinat de millions de paysans, et de quantité d'anarchistes réfractaires aux décisions de Lénine et de Trotsky. André Fougeron entérinait les décisions prises par le Soviet Suprême ». A propos de la peinture d'André Fougeron, et de ses amis du « réalisme socialiste », monumentale à la manière de son maître Fernand Léger, je me range derrière l'opinion que Michel Ragon exprima très tôt : « Mais, à partir de 1948, le Parti Communiste Français lança contre l'art abstrait sa bombe du « réalisme socialiste » qui ne s'appelait encore que « le nouveau réalisme ». Bien faible bombe en vérité, car les peintres qui se mirent au service de ce nouveau réalisme montraient une telle médiocrité, que la publicité la plus tapageuse n'a pu la faire oublier. Les maquis de France d'Amblard, les Déportés de Talitzky, les Parisiennes au marché de Fougeron, nous ramenaient avant l'Impressionnisme. Il eût fallu, pour une telle révolution à contre-courant, des artistes d'un talent considérable. Mais peut-on en art, ne pas marcher avec son siècle ? Le résultat du « réalisme socialiste » semblerait prouver que non. » Pourquoi permet-on à certains de réécrire l'Histoire ? Assistons-nous à une démonstration du pouvoir des copains ? Le fonds d'atelier d'André Fougeron doit être copieux, même, s'il vécu largement toute sa vie de « commandes officielles » ? Il fallait exprimer une opinion opposée à cette machine à réhabiliter André Fougeron, mise en place par ses enfants. La voici. Broché. 200 p. Format à la française : 29 x 23 cm. 200 illustrations. 34€. www.gourcuff-gradenigo.com – André Fougeron. L.a Piscine. Musée d'art et d'industrie André-Diligent. Roubaix, jusqu'au 15 mai 2014 www.roubaix-lapiscine.com.