George Condo / Flammarion - Nouveau Musée National Monaco NMNM

Jeudi, 6 Avril, 2023 - 15:12

L'exposition Humanoïdes. Une dévoration affolante des maîtres anciens et modernes. Une vision schizophrénique et une énergie cathartique

Le magnifique catalogue s'ouvre sur des préambules de la princesse de Hanovre et de Björn Dahlström, directeur du Nouveau Musée National de Monaco. A la question "Qu'est-ce qu'un Humanoïde? " le peintre américain, George Condo répond : "C'est une façon de prendre la nature ou l'espace industriel et de les transformer en un être ressemblant à un humain. C'est comme si j'entreprenais un voyage ontologique à l'intérieur de la psyché telle qu'elle serait perçue par un cartographe retraçant la traversée de « l'humain » vers « l'autre »..." Ceux qui voient pour la première fois les peintures de Condo sont souvent effarés, et pensent, il est dingue ce mec ! C'est horrible ! Mais regarder une œuvre d'art conduit à une réflexion profonde et dans le cas de Condo plus particulièrement, traversons les apparences comme il le fait lui-même. Portraits humains ou inhumains ? Horrible ? Oui, certainement dans le sens premier de l'expression. Que ressent-on ? Avant de s'interroger sur ce que l'artiste a voulu transmettre, questionnons notre ressenti devant ces peintures stupéfiantes, déconcertantes, grotesques, clownesques. Pourquoi sommes-nous dérangés ? Parce que c'est le théâtre de la vie, la comédie dramatique, l'ironie, la tragédie ? George Condo explique sa démarche créatrice : "...je ne m'appuie jamais sur autre chose que mon esprit, ma mémoire et mes réflexions sur le monde tel que je le vois. L'expression du chagrin, de l'horreur, de la joie, du bonheur, de l'amour et de la haine peuvent être saisies en même temps dans un seul portrait parce que je donne la liberté d'exprimer mes propres émotions à travers le visage de l'autre." Souvent, pour ne pas dire toujours, un portrait est la projection de l'artiste lui-même, George Condo n'échappe donc pas à cette tradition, des maîtres anciens à Basquiat. Inhumain ou trop humain ? Condo nous convie au carnaval étrange de la vie, de l'exubérance à l'absurdité, du délire à la tendresse. Sa révolte nous émeut, et plus on le découvre, plus il nous touche, et plus on l'aime. Cerise sur le gâteau, cette galerie de portraits de 1982 à nos jours est une virée réjouissante dans l'histoire de l'art de Velasquez, Le Caravage, Goya, Matisse, Picasso, Bacon, et au-delà. Entre anthropophagie et gourmandise Condo avale goulûment et régurgite sauvagement, traçant sa voie propre, en adéquation avec ses grandes admirations picturales, digérées, comme pour se débarrasser de tout acquis et retrouver une expression originelle, à la recherche d'une vérité première et une rage d'exister. Hystérie ? La marge est étroite entre la sagesse et la folie. La forme choisie par George Condo correspond à sa quête. Pénétrer les fissures de l'être et libérer le cri primordial. La démarche est d'une sincérité absolue, ce qui ne suffit pas à faire œuvre, mais le génie de George Condo intervient et contribue à placer la sienne parmi les plus passionnantes et les plus importantes de notre époque. Nous attirons l'attention du lecteur de ce superbe catalogue sur "Schizo-frénésie de George Condo", un texte essentiel de Didier Ottinger, directeur-adjoint et chargé de programmation au Musée national d'art moderne-Centre de création industrielle, département du Centre Pompidou. L'ouvrage se ferme sur un entretien mené par Guillaume de Sardes avec Jean-Christophe Maillot, chorégraphe directeur des Ballets de Monte-Carlo au sujet du rideau de scène réalisé par George Condo en 1998. Relié sous jaquette. Format : 28,8 x 25 cm. 192 p. 39€. Exposition "Humanoïdes" par George Condo, NMNM, Villa Paloma, jusqu'au 1er octobre 2023. A voir absolument. Quelques mots pour conclure, ceux de George Condo : "L'Humanoïde est une forme de cette quête d'éternité". Paule Martigny