L’Art de la fleur à Lyon / Tomaselli Collection

Jeudi, 7 Août, 2025 - 12:05

Beauté du sujet et parcours initiatique de l’évolution du traitement de la fleur du XVIe siècle à nos jours.

Jules-Ferdinand Médard (1855-1925)

Voici une chance exceptionnelle de faire un voyage dans le temps au cœur de l’âge d’or de la peinture de fleur à Lyon. De l’origine au XVIe siècle à l’émergence de la peinture florale paysagère dans la seconde moitié du XIXe siècle qui annonce un tournant majeur, suivie de la fleur par les Modernes au moment où l’artiste sort de l’atelier à l’instar des impressionnistes et peint sur le vif. Un parcours depuis le détachement progressif de la peinture ornementale dans le goût des XVIIIe et XIXe siècles, aux innovations suivantes, des mutations à l’émancipation.

La Tomaselli Collection dévoile une facette incontournable du patrimoine artistique de la Ville de Lyon, ville de soie et d’élégance. C’est une exposition à ne pas manquer, et à revoir, dédiée à la beauté et au rayonnement national et mondial de Lyon à la grande époque de la soierie. La réputation du tissage et de ses peintres de fleur, un sujet intemporel, de l’époque de la prouesse technique prodigieuse à la modernité du XXe et du XXIe siècles en rupture avec la tradition. À travers un parcours immersif, l’exposition met en lumière les influences et les évolutions du dessin floral dans les arts décoratifs lyonnais. Depuis les planches de la prestigieuse "Classe de la Fleur" de l’École des Beaux-Arts jusqu’aux collaborations entre artistes et maisons de soierie. Le visiteur découvrira un florilège de chefs-d’œuvre.

La Tomaselli Collection occupe le 2e étage du 22 rue Laure Diebold, spécialement adapté depuis novembre 2022. Jérôme Tomaselli, son fondateur, collectionne depuis plus de trente ans des œuvres d’artistes qui ont marqué Lyon et la région Rhône-Alpes du XVIIe siècle à nos jours. Dans un souci de cohérence et de partage, il fractionne la présentation de sa collection de près de 2800 œuvres en étudiant des expositions temporaires au rythme de trois par an selon des thèmes habilement choisis. L’art de la fleur à Lyon est le sujet de cette sixième exposition, qui succède à "Masculin/Féminin. La beauté du XVIIe à nos jours". Jérôme Tomaselli partage avec altruisme et professionnalisme, dans un élan généreux et courageux, son intérêt pour l’art né de sa jeunesse. À chaque édition des prêteurs publics et privés sont conviés à se joindre à ses choix.

Chaque exposition bénéficie d’un superbe catalogue. Chacun constitue un élément nécessaire à la bibliothèque de collectionneurs, amateurs et férus d’histoire de l’art. Au sommaire de celui-ci, en adéquation parfaite avec l’accrochage : les origines de la Fabrique lyonnaise, la classe de fleur à l’École des Beaux-arts de Lyon, l’émergence d’artistes au-delà des ateliers de dessin pour la soierie, les artistes femmes, le thème de la fleur par les peintres inscrits dans les courants lyonnais du XXe siècle, et par les peintres contemporains. Les textes sont dus à la compétence de Julia Bihel, Ambre Bonnefoux et Jérôme Tomaselli.

Histoire et styles : Lyon devient le principal entrepôt de soie pour tout le royaume de France sous le règne de François 1er en 1531. Vingt ans plus tard une quarantaine de métiers sont en activité. Dans un essor spectaculaire, en 1548, un millier de tisserands et de teinturiers en soie sont en activité. Depuis lors, Lyon devient le berceau prestigieux de l'innovation textile où le motif floral occupe une place prépondérante.

Un lien va s’établir entre artisans et artistes. Ils sont formés à l’origine pour la Fabrique. Cette industrie fait appel à des artistes capables de produire des modèles. Ceux des fleurs sont les plus prisés. C’est ainsi que les soyeux lyonnais jouent un rôle déterminant dans la création d’une "classe de la fleur" au sein de la toute nouvelle école des beaux-arts que le Palais Saint-Pierre héberge dès 1807. Les élèves peuvent s’inspirer des œuvres du musée et des fleurs du jardin intérieur. La botanique joue un grand rôle à Lyon. Dès le XVIIe siècle, la ville est pionnière pour l’étude des plantes. L’horticulture est tout à la fois utile à la médecine et à l’industrie de la soie. En 1796, le premier Jardin des plantes est installé sur les pentes de la Croix-Rousse avant de déménager au Parc de la Tête d’Or. Au musée, le Salon de fleur créé en 1811, a pour vocation d’inspirer les dessinateurs de soieries lyonnaises. Il présente une large collection de peintures de fleurs hollandaises et françaises du XVIIe, du XVIIIe.

A l’école des beaux-arts les professeurs dispensent un enseignement de haute qualité. La peinture de fleurs étroitement liée à la soierie, devient une spécialité lyonnaise, active durant tout le XIXe siècle, dont Antoine Berjon (1754-1843) est l’initiateur. Entre trente et quarante grands artistes par an émergent de la classe de fleur de l’école des beaux-arts. Leur technique éblouissante est héritée du haut savoir-faire des peintres flamands. Cet âge d’or est magnifiquement représenté dans cette exposition de premier ordre.

À travers un parcours immersif, Jérôme Tomaselli met en lumière les influences et les évolutions du dessin floral dans les arts décoratifs lyonnais. On comprend les filiations, depuis le Premier Empire, avec Jean-François Bony, Charles Dutilleu, Antoine Berjon, Jean-Baptiste Pillement, etc. Suivis dans leur maîtrise exceptionnelle, entre la Restauration et le Second Empire par Augustin Alexandre Thierriat, Pierre Etienne Remillieux, ou Simon Saint-Jean, premier peintre à rompre avec la Fabrique. André Benoît Perrachon, lui, abandonne la minutie au profit du chromatisme. De l’affranchissement de la tradition naît un nouveau souffle avec Eugène Baudin, François Vernay, Jacques Martin ou Joseph Guichard. Les modernes sont de plus en plus en rupture avec les contraintes académiques. Jérôme Tomaselli présente les générations suivantes dans une suite chronologique et pédagogique avec les groupes du XXe siècle ayant traité le sujet de la fleur : Ziniar (Tresch…), Nouveaux (Pelloux, Chartres), Groupe Témoignage, Sanzisme (Truphémus, Fusaro, Cottavoz), ainsi qu’une présence d’importance, celle des artistes femmes (Thérèse Guérin, Emilie Charmy). L'itinéraire dans le temps est clôt par Giorda, Chevrette, Pécoud… Signalons au passage la suite singulière et magique des toiles de Robert Pernin. Chacun et chacune trouvera matière à ses émerveillements parmi la diversité des expressions, des styles et des talents. Et surtout réalisera à quel point la ville de Lyon peut s’enorgueillir de la richesse de son patrimoine et de la qualité de ses artistes à n’importe quelle époque.

L’exposition "L’Art de la Fleur" jusqu’au 27 septembre 2025 (sera vraisemblablement prolongée jusqu’en octobre). Tomaselli Collection, 22 rue Laure Diebold, 69009, Lyon. Catalogue relié. 310 p. 36€.  Billetterie : Plein tarif : 10 € / tarif réduit : 6 € (étudiants, demandeurs d’emploi). Gratuité : jeunes de moins de 18 ans et personnes à mobilité réduite. Du mardi au samedi 10h30 – 17h30. Visite guidée recommandée. tomaselli-collection.com 

Paule Martigny / Mémoire des Arts – blog-des-arts.com