L’Hivernal de Lyon – 69e Salon d’Hiver

En préambule, je tiens à noter que le Palais de Bondy fut construit pour accueillir les expositions d’art et les concerts. Une vocation généreuse. Autres temps, autres mœurs, car aujourd’hui, on croirait que tout est fait pour faire souffrir les artistes. Tout d’abord sous le règne éclair de Mme Perrin-Gilbert par un ostracisme indigne, puis à présent, puisqu’il reste quelques poches de résistances, par la politique du découragement. Ce Palais qui est municipal rappelons-le, voit d’année en année le montant de sa location exploser. L’imposition d’une équipe de quatre vigiles, est également payante. Qui peut louer ce lieu ? Il faut tout le courage et la ténacité d’une équipe soudée et déterminée menée par la présidente Chantal Hayette. Elle rappelait lors de son discours le jour du vernissage devant un public nombreux, que le salon ne touchait aucune subvention, que l’entrée était gratuite, et qu’aucun pourcentage n’était pris sur les ventes. Une résistance possible grâce aux adhésions, aux sponsors et à toute l’énergie des bénévoles. Bravo et respect !
Cette année l’invitée d’honneur est Christine Stepanoff. Je ne doute pas de votre étonnement devant ses peintures et ses sculptures. Au premier abord vous serez éblouis par la puissance des couleurs, et enchantés par l’allégresse de cette œuvre singulière, proche de l’esprit des Nanas de Niki-de-Saint-Phalle et des fantasmagories de Salvador Dali. Puis au second regard vous détaillerez l’inspiration et l’intention de l’artiste. Les racines marocaines de son enfance sont conjuguées à son univers-monde, ce qui relie les uns aux autres. Les membres des personnages sont démesurément étirés comme des racines qui montent au ciel, tandis que les pieds énormes sont solidement ancrés au sol. Notons que ce monde rêvé est porté par les femmes dans cet élan généreux et mémoriel et que les éléments de collages dans peintures et sculptures sont issus de recyclage de tissus.
Tonio Caltabanio est présent avec trois grands dessins au stylo bille. C’est un hommage qui lui est rendu, car il est hélas décédé à l’âge de 58 ans. Par une écriture automatique chère aux surréalistes, c’est-à-dire en laissant parler son inconscient, entre délivrance de tourments et imaginaire, Tonio Caltabanio créait un univers stupéfiant. Il avait trouvé sa manière qu’il exploitait avec une grande dextérité. Ses œuvres sont dignes des plus grands.
Pour revenir à ce "cru" 2025, je tiens à souligner la qualité de l’accrochage, limpide et lumineux, ainsi que l’ouverture à d’autres mediums comme le collage et la photographie. Ce n’est pas facile de mettre en valeur autant d’œuvres si diverses. 63 artistes exposent, à raison de trois œuvres pour les peintres et davantage pour les 11 sculpteurs, plus celles du prix du thème, l’arbre cette année, et les petits formats de la rotonde, il n’est pas nécessaire d’être un as en mathématiques pour comprendre qu’un choix formidable est offert. Un article ne suffit pas pour évoquer chacun des artistes. Un second sera nécessaire je pense pour plus de détails et évoquer les prix.
Dans notre bonne ville de Lyon, les artistes, mais pas que; les automobilistes, taxis, livreurs et les commerçants souffrent. Pourtant le bulletin municipal affiche une satisfaction presque vaniteuse en vantant son action bénéfique au bonheur de tous. En tout cas pas celui de ceux qui travaillent et qui créent. Protégeons les créateurs. L’Art sauve le monde. Projetez sans délai la visite de ce salon, dont je rappelle que l’entrée est gratuite. Un bon moment en compagnie d’œuvres à regarder avec attention. Et pourquoi pas un coup de foudre pour l’une d’elles ?
L’Hivernal de Lyon. 20 quai de Bondy. Lyon 5e. Du 9 au 26 janvier 2025.
Paule Martigny / Mémoire des Arts – blog-des-arts.com