L'Invention du passé / Musée des Beaux-arts de Lyon - Hazan

Mercredi, 11 Juin, 2014 - 11:05

Longtemps éteinte, tenue au silence par des volontés sectaires, la Peinture Troubadour ressurgit des geôles, où un ostracisme insupportable l'avait enfermée...

« Histoires de cœur et d'épée en Europe, 1802-1850 ». Tome II. Ne fallait-il pas conjuguer au pluriel épée et cœur, tant on en rencontre, tout au long de notre visite de cette fabuleuse promenade dans l'histoire de la France et de l'Europe ? Il s'agit du catalogue de l'exposition présentée au musée des Beaux-arts de Lyon, jusqu'au 21 juillet 2014, et dont les commissaires sont Stephen Bann, professeur en histoire de l'art, et Stéphane Paccoud, conservateur en chef chargé des peintures et sculptures du XIXe au musée des Beaux-arts de Lyon. Avec un avant-propos de Sylvie Ramond, directeur du musée des Beaux-arts de Lyon. Soulignons le rôle considérable de Marie-Claude Chaudonneret, auteur de nombreux ouvrages sur le sujet de la Peinture Troubadour. Je vous suggère la lecture de l'ouvrage qu'elle publia avec Sébastien Allard, en 2010, « Le Suicide de Gros ». Autres contributeurs : Delphine Gleizes, Olivia Voisin, Jehanne Lazaj, Salima Hellal, Thierry Laugée, Sophie Picot-Bocquillon, et Alain Pougetoux. La Peinture Troubadour, née à Paris, au Salon, en 1802, sous le regard vigilant de Marie-Angélique de Vandeuil, fille du philosophe Denis Diderot, contemplant et révélant au monde « Valentine de Milan pleurant la mort de son époux » de Fleury Richard, tableau qui ouvre l'exposition. Souvent de grands formats, beaucoup de ces immenses compositions à propos d'événements de l'histoire de France réprouvés, tenus dans l'ombre et le silence par les pères de la République. Cette peinture d'histoire parfois lourde, indigeste, mal dessinée, constituée de raccourcis inavouables fut renvoyée avec délectation, dans les oubliettes de l'aventure des arts plastiques, par les tenants de toutes les modernités. Injustice, extrémisme inadmissibles. Aujourd'hui, au contraire, ces toiles monumentales retiennent notre attention, emportent notre adhésion, lorsqu'elles échappent aux défauts de leurs qualités : le chant du patriotisme, de la ferveur religieuse, de l'esprit de famille, des règles de l'amour et du mariage, leur verticalité guerrière, la description des affres de la maladie et de la mort, etc. Ce long rejet de cette inspiration, qu'il faudrait ne pas confondre avec l'Ecole Romantique, si bien représentée, au musée Fabre de Montpellier, fit une victime considérable, Fleury Richard. Il apparaît ici, comme au monastère de Brou, dans tout l'accomplissement de ses multiples talents de dessinateur. Il n'y a pas de fautes dans ce domaine, dans l'oeuvre de Fleury Richard, contrairement à son ami, Pierre Révoil. La très noble qualité de son inspiration, son attrait pour le climat des rites religieux ne pouvaient que déplaire aux puissants et intempestifs maîtres de la République. Comme quoi, il est largement inutile de dissimuler ce qui gêne, car un jour, une génération nouvelle surgit, libérée des obligations militantes et sectaires, seulement éclairée par une certaine emphase, une grandeur, des émotions. Une occasion de voir le tableau d'Ingres « l'Arétin et l'envoyé de Charles Quint » qui coûta si cher aux contribuables, acheté par Sylvie Ramond. Ne soyez pas déçus, il est tout petit. Mais, soyez gentils, n'en profitez pas pour l'emporter dans une de vos poches. Vous seriez en danger, le musée est très bien gardé. Apparemment, il est préférable, amis lyonnais de commencer par l'accrochage du monastère de Brou, où Françoise Baudson présenta, en 1971, l'exposition de référence sur la Peinture Troubadour. J'eus le plaisir de voir, à Brou, en 1965, Utrillo, Valadon et Utter, sans doute à l'origine de ma destinée d'historien et de critique d'art, dont Françoise Baudson était le commissaire. Pourquoi avons-nous autant oublié François Baudson ? A découvrir : Ingres « Henri IV jouant avec ses enfants, Delacroix «  Louis d'Orléans montrant sa maîtresse », François-Marius Granet « Stella, peintre français, dans les prisons de Rome », Bonington « François 1er, Charles Quint et la duchesse d'Etampes », Claudius Jacquand 'Thomas More, grand chancelier d'Angleterre », Fleury Richard «  la Déférence de Saint-Louis pour sa mère », et le désormais célèbre «  Tournoi » de Révoil dont la résurrection signa l'arrivée de l'ambitieux Philippe Durey, à la direction du musée des Beaux-arts de Lyon. Contient un cédérom avec : les notices techniques des œuvres présentées dans l'exposition, les notices biographiques des artistes évoqués, l'inventaire analytique du fonds Fleury Richard, et un répertoire des peintures, sculptures et estampes, représentant des sujets historiques exposés au Salon parisien. Mais rien ne remplacera l'admirable catalogue. Le collectionneur Michel Descours a prêté plusieurs œuvres. Broché, couverture à larges rabats. 320 p. Format : 28 x 25 cm. 42€.  Musée des Beaux-arts de Lyon jusqu'au 21 juillet 2014. www.mba-lyon.fr