La bonne âme du Se-Tchouan au théâtre de la Croix-Rousse...

Dimanche, 23 Février, 2014 - 11:57

Brecht, vous avez dit Brecht, un prétexte pour une logorrhée naïve et navrante...

© Polo Garat Odessa

Est-ce qu'ils étaient nombreux les spectateurs venus, comme moi, pour voir cette pièce emblématique du théâtre brechtien, déjà jouée au théâtre de l'Odéon, à Paris, puis au théâtre de la Criée à Marseille ? Jean Bellorini n'a pas de complexe. Incapable d'écrire sa propre pièce, pour décrire ses idées personnelles sur le monde, il a sauvagement adapté à notre époque cette « bonne âme » qui appartient au répertoire du théâtre mondial. Comme le cinéma français, lorsqu'il devient bêtement militant, le théâtre français de Jean Bellorini est insupportablement pédant. Jean Bellorini utilise des techniques éculées qui alourdissent la pièce. Il prend le public en otage. Plus de trois heures d'horloge, pour entendre, et pour voir se répéter des effets : bruits de rideaux métalliques, chutes de pluie, sirènes hurlantes, etc. Pendant l'entracte, on entendait France Info, évoquant l'Ukraine. Ah oui, autre chose, les costumes de Macha Makeïeff utilisent l'orange, la couleur ukrainienne. Les comédiens exhibent, surtout l'actrice principale, une nudité inconvenante. Mais, je vous prie de m'excuser, j'oubliais que dans le monde contemporain tout est beauté. La « bonne âme » fut présentée, pour la première fois à Lyon, dans la mise en scène de Roger Planchon, dans le cadre du Festival de Charbonnières, avec Catherine Sauvage, en 1954. En 1958, elle fut reprise avec Isabelle Sadoyan. Jean Bellorini pouvait l'adapter très largement, mais il fallait l'indiquer. Plus beaucoup de place pour Bertolt Brecht. Jean Bellorini fait tout, sait tout, et veut tout dire, sauf un amical salut à son illustre prédécesseur, Roger Planchon. Jean Bellorini est metteur en scène, scénographe et responsable des lumières, il a participé à la composition des musiques originales. Un compliment pour les acteurs qui dansent, chantent, miment et jouent d'instruments musicaux. Citons les : Danielle Ajoret, Michalis Boliakis (également co-compositeur de la musique), Xavier Brière, François Deblock, Karyll Elgrichi, Claude Evrard, Jules Garrreau, Camille de la Guillonnière, Jacques Hadjaje, Blanche Leleu, Clara Meyer, Teddy Melis, Marie Perrin, Marc Plas, Geoffroy Rondeau, Hugo Sablic (le troisième auteur des musiques), Damien Zanoly, et en alternance : Jules Carrère, Théo Laffont, et Côme Malchiodi. A l'origine, il y avait plusieurs Dieux. Dans la mise en scène de Roger Planchon, ils étaient joués par Claude Lochy, Jean-Jacques Lagarde et Henri Galiardin. Une diversité qui fait ici, sérieusement défaut. Un spectacle trop long, trop pénible qui abuse des bons sentiments, qui ignore l'art de la nuance, de la distanciation, trop bêtement manichéen (d'un côté les bons, c'est-à-dire les pauvres, et de l'autre les mauvais, les riches). Jean Bellorini est bien un homme de son époque. Il procède par raccourcis, dans tous les domaines de son analyse de notre univers, et surtout, il tire la couverture à lui. Dans le néant culturel, où nous sommes, il voudrait apparaître comme un génie, comme d'autres en peinture, en sculpture, en danse. Hélas, il n'est qu'un suiveur. Jusqu'au 2 mars 2014. Théâtre de la Croix-Rousse-Place Joannès Ambre-Lyon 4e. 04 72 07 49 49. www.croix-rousse.com