Le peintre Zao Wou-Ki vient de mourir

Jeudi, 11 Avril, 2013 - 08:43

Il avait reçu pour l'ensemble de son œuvre un titre équivalent à celui du Prix Nobel de la Paix.

Zao Wou-Ki a toujours eu un atelier dans le quartier de Montparnasse. Le dernier avait été aménagé par Ieoh Ming Pei, l'architecte de la pyramide du Louvre. Depuis quelques années il vivait en Suisse, où il était soigné pour la maladie d'Alzeimer et un Parkinson qui l'empêchait totalement de peindre. Zao Wou-Ki était né à Pékin en 1921. Son père était banquier. Son grand-père, fin lettré lui enseigna l'écriture chinoise traditionnelle. Il recevait aussi de Paris de nombreuses revues d'art qui permirent à Zao Wou-Ki de découvrir les maîtres de la modernité française et européenne : Paul Cézanne, Auguste Renoir, Henri Matisse, Paul Klee, etc. Adolescent il est reçu à l'école des Beaux-Arts de Hangzhou où après son exil et la mort de Mao, il reviendra en 1985 pour donner des cours de peinture et de dessin. Dans le film que nous avons réalisé autour d'un entretien entre le critique d'art Michel Ragon et Zao Wou-Ki, celui-ci confiait une anecdote qui exprimait très bien comment il était passé de la peinture figurative à la peinture abstraite. Il nous disait que ses jeunes élèves chinois lui demandaient : «  Maître Zao, apprenez-nous la peinture abstraite. »A quoi Zao Wou-Ki répondait : «  Je peux vous apprendre à dessiner mais pas à peindre abstrait. » Quelle émotion d'assiter à ces retrouvailles devant ma caméra entre Michel Ragon, défenseur inconditionnel de l'art abstrait dans la revue Arts, et particulièrement de Pierre Soulages, ami de Zao Wou-Ki depuis son arrivée à Paris en 1948. Le critique d'art Pierre Cabanne évoquera au moment de la grande rétrospective organisée par le Taipei Fine Arts museum en 1993, à propos de l'œuvre de Zao Wou-Ki « le vertige des espaces infinis ». Nous gardons le souvenir d'un être d'une immense retenue qui prit un grand plaisir à nous faire visiter sa collection d'objets d'art chinois. Il nous avait invité à déjeuner dans un petit restaurant de Montparnasse où il avait ses habitudes. Nous le revoyons en tennis, vêtu d'une blouse blanche, souriant à Michel Ragon comme si l'éternité ouvrait largement ses portes à son indéfectible joie de vivre. Il nous avait gratifié de cette parole de sagesse : « Plus j'avance en âge, plus j'ai de temps devant moi… »