Lydie Catalano - #jesuistous / Galerie Partage

Jeudi, 18 Septembre, 2025 - 21:12

L’engagement d’une artiste et celui d’une galeriste

Lucie Braconnier a créé et dirige la galerie Partage, au rez-de-chaussée du Sofitel. On entre indifféremment par l’hôtel ou par la rue Sala. A l’occasion de chaque accrochage, en totale connivence avec chacun des artistes qu’elle expose, Lucie Braconnier publie courageusement un petit catalogue qu’elle préface. Courageusement oui, car il ne s’agit pas d’une opération financière mais bien d’une démarche de mécène. Tous les livrets tirés à 100 exemplaires et numérotés, ont la même dimension.

Dans le cas précis de Lydie Catalanao, que Lucie Braconnier connaît depuis dix ans, le geste est encore plus absolu, en adéquation avec l’œuvre. Le format est différent, étudié en collaboration avec la créatrice. Une édition unique, quasiment un livre d’artiste, avec un tirage inchangé à 100 exemplaires numérotés et signés. (Relié. Couverture cartonnée. Format : 21,5 x 15 cm. 190 p.) Pourquoi insister sur ce livre ? Parce qu’en l’occurrence il a plus qu’une valeur de catalogue. Il complète la série choisie pour cette exposition. Chaque œuvre étant accompagnée d’une notice.

#jesuistous est le titre de cette exposition de trente photographies. Son alinéa, Autoportraits recodés, révèle le sujet. Un texte manifeste, dans un souci didactique, précise l’intention de Lydie Catalano.  

Lydie Catalano pratique la photographie plasticienne qui constitue un mode d’expression engagé. Ne nous méprenons pas, cette technique est délicate et nécessite beaucoup de concentration et de travail. Dans le même domaine Orlan agit en réaction au concept de beauté, et exprime sa révolte au sujet du formatage de l’identité. Cindy Sherman incarne des femmes et des hommes de tout âge. Dans une mise en scène à l’humour grinçant elle dénonce les diktats de la mode, du jeunisme, etc. Orlan, pionnière de la performance, intervient physiquement sur son propre corps avant de se livrer grâce aux nouvelles technologies à des retouches et des déformations. Sherman se grime, méconnaissable, se fond dans le personnage choisi. Elle prend elle-même ses clichés qui sont développés en grand format. Leurs points communs : Primo, leur seul modèle est elles-mêmes. Secundo, les œuvres sont belles, une beauté lourde de sens, une beauté insolite, subjuguante, parfois terrifiante.  

Professionnellement Lydie Catalano crée des IA dans le domaine du marketing. Côté créatif, elle se définit comme une IArtiste. Pour la série #jesuistous elle travaille avec et contre l’intelligence artificielle. Rétive à ses demandes, elle la détourne et choisit alors de concevoir sa propre IA pour en faire un outil revendicatif. Lydie Catalano génère son double qu’elle inclut dans des décors de films connus. Cinéphile, elle exploite les archétypes. Les grands rôles principalement attribués aux hommes constituent le miel de sa démarche. Les acteurs stars sont représentatifs des héros ou des icônes. Elle devient ainsi Joker, Taxi driver, Schindler, Matrix, Superman, Frankenstein, tout en conservant son identité propre avec ses lunettes, ses fossettes, ses rondeurs. Ne déclare-t-elle pas : "Je suis une aberration statistique, ça veut dire que je n’existe pas."

Lydie pour affirmer son exigence se projette aussi en actrice, muse, faire-valoir, sex symbol, victime… Vous la reconnaîtrez en Sharon Stone dans Basic Instinct. Inutile de vous dire dans quelle scène culte. Ou en répliquante Rachel dans Blade Runner.

En couleur ou en noir et blanc les photos de Lydie Catalano sont ici toutes d’un format identique de 35,5 x 35,5 cm, serties dans des caisses américaines noires. La série forme une ligne. Un accrochage magnifiquement pensé. Cet ensemble esthétique, séduisant au premier regard, après une lecture attentive prend son sens et sa portée revendicatrice voire philosophique. Vous identifierez parmi les trente films choisis par Lydie Catalano pour cette exposition spécifique, Les Sept samouraïs, Men in black, The Dark Fight, Douze hommes en colère Le Parrain. A l’instar de ces exemples comment résister à la tentation de déclarer que l’art est une arme.

Inutile de préciser qu’il faut aller visiter cette exposition. Prendre le temps de la détailler. Et acquérir, si vous le pouvez, la belle édition créée pour la circonstance. Toutes les œuvres sont proposées à la vente ou à la location.

Lydie Catalano - #Jesuistous, autoportraits recodés. Jusqu’au 4 octobre 2025. Galerie Partage. 47 rue Sala. Lyon 2e. Du lundi au vendredi 9h-12h30 / 14h-19h. Samedi sur rendez-vous.

Paule Martigny / Mémoire des Arts – blog-des-arts.com