Lyon et l'Art moderne / Musée Paul Dini

Lundi, 12 Novembre, 2012 - 09:00

Sylvie Carlier continue à produire d'historiques aberrations...

Sylvie Carlier directrice du musée Paul Dini à Villefranche-sur-Saône au cœur de la Calade se comporte vis-à-vis de l'histoire des arts plastiques à Lyon, comme une poule faisanne devant un jeune et ardent chasseur. Elle s'affole. Elle va à gauche, à droite, et tout à coup, elle se fixe, les yeux baissés vers une découverte, pour elle jusqu'alors subliminale. Le fonds d'archives légué par la famille, après le décès de la galeriste Denise Fessetaud-Mermillon, fille du marchand de vin et critique d'art, Marius Mermillon. En fouillant dans ces papiers précieux, notre gallinacée découvre la revue Les Arts à Lyon. Révélation. Du coup, elle écrit. C'est fabuleux. « Le classement des archives de Denise et Marius Mermillon nous a conduit à nous interroger sur la place qu'a tenu la ville de Lyon sur la scène de l'art moderne dans les années 1920-1942. » Ah ben alors ! Et avant ? Sylvie Carlier ne s'était jamais interrogée sur l'irruption de la Modernité dans la ville de Lyon ? Jamais? Vraiment, jamais ? Lorsqu'on lit avec un peu d'attention L'Ecole Moderne de Peinture Lyonnaise (publiée en 1912, mais rédigée à quelle date, 1911 ?) de « l'infréquentable » Henri Béraud, on comprend tout de suite que le groupe Ziniar pour la peinture et la sculpture contribue à l'installation d'une « certaine » Modernité dans la cité lyonnaise. Je l'ai compris. Je l'ai décrit. Il y a déjà plus d'une dizaine d'années avec plusieurs ouvrages. Mais, ce que je dis, ce que j'écris compte si peu. Dans les apparences seulement, car on me pille abondamment pour gagner honneurs et picaillons. Impunément ? Certainement pas. J'ai décidé de réagir, car je fus le premier à établir clairement dans mes livres la naissance de cette Modernité avec l'irruption du groupe Ziniar et sa filiation avec ce que j'ai nommé la Modernité prolongée, c'est-à-dire, l'apparition du groupe des Nouveaux. Sylvie Carlier choisit George Besson, et son ami Pierre Bonnard comme étendards. Il ne lui viendrait pas à l'esprit une seconde que ce dernier eût été nabi. Que les Nabis jouèrent un rôle fondamental dans le groupe Ziniar ? Il n'y a qu'à regarder certaines peintures de Jacques Laplace de 1915. Nous étions bien longtemps avant 1920, une date que j'ai établie à cause de la première exposition du groupe Ziniar, mais la vraie Modernité lyonnaise avait commencé avant, peut-être avec Georges Albert Tresch, présent à Lyon dès 1910, et seul véritable « introducteur » de l'influence de Paul Cézanne dans le groupe Ziniar. Etienne Morillon n'était alors encore qu'un étudiant à l'Ecole des Beaux-arts de Paris. Georges Albert Tresch était lui un homme solide dans ses bottes d'artilleur et dans ses convictions. Sylvie Carlier pratique l'aberration en abondance. Ainsi, elle flatte le souvenir d'Edouard Herriot, qui, si il était l'ami d'Auguste Rodin, qu'il accueillit à Lyon pour une exposition quelques mois avant sa mort, n'eut jamais l'audace de permettre à Tony Garnier d'aller au bout de la réalisation de ses grands projets, et particulièrement, de sa Cité Industrielle. Sylvie Carlier qui n'en est pas à une flatterie près, sa fonction l'oblige ayant reçu un legs, à se montrer reconnaissante. La voici qui s'élance sans retenue, loin de son poulailler originel pour nous dire que Marius Mermillon était un adepte et un défenseur de la Modernité. Hélas, cette affirmation est en partie fausse. Dois-je rappeler, moi qui ne suis pas universitaire, que les faits réclament d'être observés à la loupe. Ce sont des classiques, installés dans la lignée de Chardin, comme Olivier de Cocquerel, ou plus tard, René Chancrin qu'affectionnait prioritairement Marius Mermillon. Bien entendu par son ami George Besson, il s'était ouvert à l'art de Paul Signac, Auguste Renoir, Albert André, Pierre Bonnard dont il assurait avec son ami Antonin Ponchon, la promotion à la galerie des Archers. Si, Mlle Sylvie Carlier admettait que l'abstraction est dès 1920 une valeur indéniable de la Modernité, elle serait obligée de convenir avec moi que Marius Mermillon, qui avait en profonde horreur les théories des Cubistes, et particulièrement d'Albert Gleizes, ainsi que toute la peinture abstraite qu'il moquait sans ménagement, ne peut en aucun cas être admis parmi les véritables défenseurs de l'art moderne à Lyon entre 1920 et 1942. Je n'ose pas vous dire dans ces conditions, ce que pouvait penser du Groupe Témoignage de Lyon ce sympathique Marius Mermillon, qui autant que les galeries, aimait surtout fréquenter les restaurants de première zone et les bordels les plus méritants, en bon vivant de cette joyeuse époque. Lucie Goujard, historienne de l'art intervient à propos de Marius Audin qui fut surtout une sorte d'ethnonologue du territoire beaujolais, un quêteur d'objets anciens signifiants, dont il fit à Beaujeu, un musée. Comme éditeur, il joua un rôle déterminant, mais pour intervenir efficacement, il dut attendre la décision de son mécène Laurent Vibert. Il reçut dès lors des commandes de donneurs d'ordre parisiens, comme Pierre Seghers, d'auteurs comme Blaise Cendrars qui lui offrirent des lettres de noblesse et le droit de paraître dans notre bonne ville de Lyon, où les mérites de chacun sont si chichement reconnus. Parmi les grands oublis de Sylvie Carlier, la très haute figure d'Adrien Bas. Il fallait dans cette exposition, dans ce catalogue, un chapitre entier pour cet infatigable tenant de la Modernité cézannienne, complice de Georges Albert Tresch jusqu'à sa mort quelques semaines avant l'inauguration du Salon du Sud-Est le 7 juin 1925. Sylvie Carlier est un personnage qui se voudrait à la mode, où il est toujours question pour se mettre en avant de réécrire l'histoire en prenant des risques inutiles, parce qu'on agit hâtivement sans suffisamment de recul. Le legs de Denise Mermillon et de ses héritiers est un effet d'aubaine qui aura finalement produit une regrettable amphigourie. Un méli-mélo aux effets dramatiques pour les visiteurs qui repartent de cette exposition avec une fausse idée de cette période transcendantale pour l'histoire de Lyon. Il ne suffisait pas de montrer des événements. La pédagogie voulait qu'on installât chacun dans son périmètre, en respectant des convictions opposées et parfois virulentes. (A suivre)