Musée d’Art Religieux de Fourvière, Georges Rouault, un peintre éclairé de l’humanité…

Lundi, 14 Octobre, 2013 - 11:02

Entre considérations sociales, et quête de la Spiritualité...

Au ventre, Michel Berthod et Isabelle Engelhard

Il faut louer l'opiniâtreté de Georges Rouault. Son acharnement à désapprendre, pour adopter les options de la Modernité, comme en témoigne sa correspondance avec Henri Matisse magnifiquement édité en 2013 par la Bibliothèque des Arts, sans jamais qu'aucune d'entre elles ne bornent et ne limitent la sincérité de sa démarche. 103 œuvres, dont le « Miserere », et le « Cycle de la Passion ». Rarement, artiste peintre fut aussi contesté que Georges Rouault (1871-1958). Né dans un milieu plus que pauvre, un jour de bombardement des Versaillais, pendant la Commune de Paris. Georges Rouault avait d’abord suivi les cours du soir aux Arts Décoratifs, puis, il s’inscrivit à l’école des Beaux-Arts, en 1890. Tout commençait bien avec sa rencontre de Gustave Moreau, professeur à l’école des Beaux-Arts. Comment ne pas être fasciné par Gustave Moreau, et son fabuleux atelier devenu musée, où André Breton aimait donner ses rendez-vous ? De Gustave Moreau, il conservera un art de l’orfèvrerie, une aptitude à sortir de la matière des sortes de diamants fabuleux. Là, il rencontra Henri Matisse, Albert Marquet et Henri Manguin. En 1894, il obtint le Prix Paul Chenavard, si important dans notre école lyonnaise, même s’il fit l’essentiel de sa carrière à Paris. Esprit libre, Georges Rouault ne pouvait échapper à l’influence déterminante des Salons, auprès des collectionneurs. Il fit partie du Salon des Artistes Français, puis du Salon d’Automne, incarnant la Modernité, dont il fut l'un des fondateurs. Les toiles de Georges Rouault sont des lieux de rencontres entre le Divin et la Plèbe, entre Dieu et les plus modestes habitants de Paris et ses environs, déjà dévorés par les architectures écrasantes, et particulièrement, les cheminées produites par une industrie en plein essor. Sur les toiles de Georges Rouault, Dieu est là, en présence des plus humbles, exploités, tourmentés par la rigidité mentale d’un patronat complètement intransigeant, âpre aux gains. Une part méprisable de la bourgeoisie. Cette opposition est très souvent inscrite dans les œuvres de Georges Rouault, comme un témoignage, comme un acte de foi, et même de contrition. Georges Rouault partage la douleur des miséreux, et l’espoir incarné par la présence du Christ vêtu d’une aube blanche, symbole de pureté virginale. Georges Rouault accompagna les recherches des premiers abstraits. Il avait 41 ans, en 1912, lorsqu’Albert Gleizes, au Salon d’Automne, défendit les vertus du Cubisme. D’ailleurs, Georges Rouault épousa la fille de Le Sidaner, autre peintre de la Modernité. Mais, il ne fut jamais complètement abstrait. Ses compositions les plus touchantes sont des représentations du Christ, des images presques cultuelles inspirées par le Saint-Suaire. Georges Rouault était partagé entre la spiritualité et l’humanité. Le bleu du ciel éternel est partout dans ses œuvres. L’abstraction pure donne plutôt naissance à des esprits athées, à l’exception de quelques personnalités, comme Alfred Manessier, Jean Le Moal, Jean Bazaine, ou Jean Bertholle. Georges Rouault qui était l’ami de l’abbé Morel et de Jacques Maritain, participa au programme d’Art Sacré, mis en action par le père Régamey et le père Couturier, dans l’église du plateau d’Assy. Georges Rouault, ne fut pas très fidèle à Antoine Vollard, le galeriste dont Edgar Degas disait : « qu’on criait au Vollard, au voleur !... ». Il exposa dans toutes les galeries réputées de l’époque : chez Druet, chez Berthe Weil, etc. Georges Rouault produisit énormément. Le comte de Jouvencel, grand-père de notre ami Marc Engelhard, collectionnait la peinture Moderne. Il achetait des œuvres d’Emilie Charmy, et, il entretint des rapports amicaux avec Georges Rouault qui devint le parrain de sa fille, Isabelle Engelhard qui nous accompagnait, très émue, véritablement admirative, pendant notre visite de cette remarquable exposition. Elle se souvenait de retrouvailles avec son père dans l’atelier-appartement de Georges Rouault, dans le quartier de la gare de Lyon. Merveilleuse exposition, une occasion de revoir « Bouquet I » un vitrail exécuté par Paul Bony, le célèbre maître-verrier parisien. Georges Rouault est mort en 1958, une année qui marqua en profondeur la mémoire artistique des Lyonnais. Cette année-là, moururent, Marcel Michaud le galeriste, Henri Béraud le critique d’art et romancier, et Marius Mermillon autre critique d’art incontournable. Année maudite, donc, pour Lyon, et pour la famille de Georges Rouault. Un peintre qui fut célébré ici, lyonnais, mais qui fit une carrière nationale, Jean Couty, fut un vif admirateur de Georges Rouault, de sa spiritualité et de son humanisme. Il paraît que Georges Rouault rêvait d’exposer à Lyon, auprès de la Basilique de Fourvière. Le voici, à titre posthume, totalement exaucé, grâce à la vigilance de Bernard Berthod, médecin, historien et responsable du Musée d’Art religieux de Fourvière. Nos sincères compliments aux membres de la Fondation Georges Rouault qui prêta les œuvres et finança l’appréciable catalogue. Pendant l’exposition, on vous propose une vidéo du film tourné, sous la direction de l’abbé Morel. Musée d’Art Religieux de Fourvière jusqu’au 5 janvier 2014. 8, place de Fourvière-Lyon 5e. Tel : 04 78 25 13 01 www.lyon-fourviere.com