La Fondation Renaud est-elle en danger?

Samedi, 21 Septembre, 2019 - 09:58

Lisez le texte de Denis Vaginay publié sur internet pour vous faire une idée…

Denis Vaginay…

Je viens de découvrir cette déclaration de Mr Denis Vaginay. Plutôt que de me lancer dans une description analytique, je préfère vous soumettre le texte concerné.     «Tout sauf s’enfermer !» mardi 23 juillet 2019     Vice-président de la Fondation Renaud, Denis Vaginay a décidé, avec une petite équipe, de réveiller cette vieille dame endormie. En lui fixant une belle ambition : défendre les artistes lyonnais. Et ce psychologue, passionné d’art, a déjà franchi une étape décisive en usant de son expérience pour impulser cette nouvelle dynamique. Avec un grand rendez-vous en novembre prochain autour d’un Fort de Vaise rénové et deux expositions. L’origine de cette fondation ? Denis Vaginay : Pierre Renaud ! Le père des deux fondateurs, Serge et Jean-Jacques. Un maître verrier et un architecte, entrepreneur surtout, qui a beaucoup construit, notamment des chantiers considérables de barrages hydrauliques. C’est comme ça qu’il a réuni une petite fortune. Ancien élève des Beaux-Arts, comme tous les architectes à l’époque. Un vrai artiste, ami de nombreux artistes lyonnais dont Tony Garnier. Son fils Serge, qui a repris le cabinet d’architecture, a créé en 1993 avec son frère Jean-Jacques la fondation à laquelle ils ont apporté une partie de l’héritage familial. Etant tous deux célibataires et sans enfant. L’importance de cet apport ? Ce sont des biens immobiliers et des oeuvres d’art. Donc difficile à évaluer avec précision. Il y a d’abord une soixantaine d’appartements, le Château médiéval de Serrières à Trept en Isère, Le Petit Perron, une maison des champs du 16ème située à Pierre-Bénite et le Fort de Vaise, siège de la fondation qui est également propriétaire d’une bâtisse dans les remparts de Crémieu. Mais certains éléments de ce patrimoine, qui parfois nous coûtent cher en entretien, vont être vendus pour nous permettre de financer la nouvelle dynamique que nous allons mettre en oeuvre. Et les oeuvres d’art ? L’inventaire n’est pas terminé. Il se poursuit mais on estime que la fondation possède 6 à 7 000 œuvres. Peintures, sculptures et quelques milliers d’objets souvent artisanaux d’inégales valeurs. D’où l’importance de cet inventaire qui va permettre de mettre un peu d’ordre et de voir plus clair. En distinguant d’abord ce que nous allons conserver ou pas. Quels étaient les critères de sélections pour acquérir ces oeuvres ? Disons que des oeuvres ont été accumulées sans qu’on comprenne toujours bien les raisons de certains choix. Parfois, on a même du mal à retracer l’origine de certaines oeuvres issues tout simplement du marché aux puces. Mais il y a aussi des pièces particulièrement intéressantes, notamment toutes les œuvres libres de Tony Garnier. C’est-à-dire ses dessins et ses peintures, hors de son travail d’architecte, qui sont méconnus et qui constituent l’un des trésors de la fondation. Voilà pourquoi une des deux expositions qui vont marquer la réouverture en novembre prochain du Fort de Vaise, après d’importants travaux, sera consacrée à ces oeuvres de Tony Garnier avec le concours des archives de la ville de Lyon. Ce qui marquera le 150ème anniversaire de naissance de cet architecte méconnu à Lyon en tant qu’artiste ! Vous recevez des donations d’artistes ? Oui assez régulièrement. La plus prestigieuse est celle laissée par Joannes Veimberg, que certains ont baptisé le «Van Gogh lyonnais», mais aussi d’artistes lyonnais amis de la famille Renaud notamment Louise Hornung, Alice Gaillard, Thérèse Contestin, Luc Maize, Georges Darodes... D’une façon générale, dans cette collection, il y a assez peu d’artistes reconnus. Même si nous avons réalisé quelques achats récents dont un Couty, un Truphémus, un Adilon, un Schmid, un Brouillard, un Pécoud... pour enrichir cette collection. Vous allez faire un tri et choisir ce que vous garderez ? Ce travail est en cours. L’objectif est, dans un premier temps, d’assainir le parc immobilier c’est-à-dire revendre tout ce qui nous coûte plus cher en entretien que ça ne rapporte à la fondation. Vous allez vendre certaines de vos oeuvres ? . On va d’abord faire un grand tri dans nos collections. En gardant les oeuvres majeures, bien sûr. Et en vendant aux enchères les oeuvres intermédiaires. En revanche, on ne mettra pas en vente celles qui sont plus faibles pour ne pas dévaloriser les artistes. La valeur de tout ça ? On estime aujourd’hui cette dotation à 12 millions d’euros, tous biens confondus. Oeuvres d’art et immobilier. Comment fonctionne la fondation ? Les décisions importantes sont prises par un conseil d’administration composé de onze membres, qui est présidé par son fondateur Jean-Jacques Renaud, aujourd’hui âgé de 87 ans. Alors que son frère architecte est mort à la fin des années 90. A ses cotés, un autre frère Renaud, plus jeune de quelques années, et son petit-fils qui vient d’achever ses études de notariat. Mais aussi des historiques, souvent amis de la famille, un collège de membres qualifiés dont je fais partie et trois représentants de l’Etat : rectorat, préfecture et direction régionale des affaires culturelles. Qui a réellement le pouvoir ? Clairement, le conseil d’administration, seule instance décisionnaire. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est qu’une fondation reconnue d’utilité publique est une structure autonome qui a une existence propre. En aucun cas elle n’est la propriété personnelle de ses fondateurs. Elle est d’ailleurs soumise à des règles strictes. Notamment l’interdiction de vendre ses biens inaliénables sans respecter une procédure précise mais aussi l’obligation d’agir conformément à la législation et aux objectifs définis dans nos statuts. Une réforme de nos statuts est justement en cours pour réaffirmer la conformité à la loi et faire des choix relevant de la sagesse, avec notamment la limitation à trois mandats de six ans pour les administrateurs qui sont membres qualifiés Justement, quel est l’objectif de cette fondation ? La défense, la présentation et la préservation de l’art lyonnais et régional. Et c’est effectivement le cas ? La fondation est en train de prendre un virage important. Car jusque-là, elle était dirigée de façon plutôt personnelle par son président- fondateur, en fonction de ses intuitions. Mais à la suite d’un audit qui a été réalisé en 2017, un certain nombre de décisions ont été prises. Et tout d’abord de mettre en place un véritable projet scientifique et culturel. Nous poursuivons une politique d’achat d’oeuvres d’art dans le but d’enrichir rationnellement le fond en choisissant des œuvres majeures, mais aussi de leur présentation et des animations autour et, à chaque exposition, une publication sérieuse. Une étape décisive pour accompagner ce renouveau exigeant une vision globale qui faisait défaut. Qui jouait ce rôle jusque là ? L’association des amis de la fondation composée de collectionneurs, d’historiens, d’artistes... Souvent des amis du président. Le changement décidé par le conseil d’administration : désormais la fondation elle-même va assumer cette responsabilité fondamentale, ce qui est sa fonction. Mais d’autres évolutions ont été actées, notamment une plus grande rigueur dans la mise en oeuvre des décisions du conseil, le respect de la réglementation, le fonctionnement même de la fondation... Car l’exigence des représentants de l’Etat, c’est que cette fondation rende effectivement un service public. Ce qui est la contrepartie logique de certains privilèges fiscaux qui lui sont accordés. Comment avez-vous atterri dans cette fondation Renaud ? J’ai vu qu’il y avait de la lumière, j’ai poussé la porte ! En réalité, c’est la conjonction d’une série de hasards. Psychologue de métier, je me suis toujours intéressé à l’art, grâce à mes parents qui m’ont sensibilisé, notamment ma mère qui adorait Chagall... J’ai découvert la fondation Renaud en organisant une rétrospective sur Eugène Brouillard, peintre lyonnais qui était un ami de Pierre Renaud. Et sur lequel j’ai écrit un livre. Puis j’ai de nouveau eu un contact avec la fondation quand j’ai travaillé sur un autre projet mettant en scène les artistes lyonnais des années 60. Projet qui est devenu la deuxième exposition qui présentera au Fort de Vaise, en novembre prochain, le travail de ces artistes des années 1960, en rupture avec l’académisme ambiant. Avec le concours de Damien Voutay, éminent expert, collectionneur, marchand d’art... Je me suis alors intéressé à la Fondation Renaud où j’ai rencontré la responsable des collections qui a proposé ma candidature au conseil d’administration, il y a un an et demi quand le bureau devait être renouvelé. Cela a été facile d’impulser cette nouvelle dynamique ? Avant que j’arrive, il y a eu un clash au sein du conseil d’administration. Sans doute entre ceux qui étaient partisans du statu quo et ceux qui voulaient impulser une nouvelle dynamique. Le vice-président et la trésorière ont alors claqué la porte. A l’époque se posait la question de l’avenir de cette Fondation qui devait soit adopter un fonctionnement conforme à son statut et à sa fonction, soit être absorbée par une autre fondation. Bref, une restructuration profonde était nécessaire. Elle est aujourd’hui en cours avec l’appui de la majorité des administrateurs. Et je me suis engagé à l’accompagner. La fondation a une équipe de permanents ? Il y a aujourd’hui cinq salariés. Une directrice, une responsable des collections et des activités culturelles, une assistante et deux gardiens pour le Fort de Vaise ainsi que pour le château de Trept. Notre objectif : embaucher une personne supplémentaire pour développer des animations culturelles autour de nos événements afin de promouvoir les artistes lyonnais. Mais y-a-t-il une école lyonnaise ? Certains l’affirment mais il n’y a aucune raison de parler d’école lyonnaise car, pour qu’il y ait école, il faut un maitre reconnu et des élèves. Ce qui n’est pas le cas à Lyon où il n’y a pas d’école repérable, sauf un certain attrait pour les couleurs ternes, verts et marrons, les eaux, le brouillard... Et, si l’on remonte dans le temps, une école de fleurs qui révèle une certaine méticulosité. On peut à la rigueur parler d’une singularité lyonnaise. Mais le style des peintres lyonnais est très éclectique. D’ailleurs, peu de Lyonnais sont capables de citer quelques noms d’artistes. Qui connait, Louis Carrand, François Vernay et François-Auguste Ravier ou même Puvis de Chavannes ? Pas d’école donc, pas de mouvement non plus, pas de vrais groupes d’artistes sauf pour aller boire des coups. Pas de grandes galeries référence qui valident les oeuvres et font émerger des artistes, pas de salons qui s’imposent, pas de grands collectionneurs du moins qui achètent à Lyon ou qui exposent leur collection dans cette ville... Pas de musées aussi qui défendent les artistes lyonnais... Mais il y a tout de même des musées qui défendent les artistes lyonnais ! Au contraire, les grands musées lyonnais réduisent les salles dédiées aux peintres ou aux sculpteurs lyonnais alors qu’ils ont dans leurs réserves des oeuvres significatives. D’ailleurs, la politique de certains conservateurs à l’égard des artistes lyonnais est assez insaisissable. Dans les années 60, par exemple, les expositions importantes dans la région ont eu lieu plutôt à Grenoble et Saint-Etienne. Et je ne pas parle des ventes aux enchères à Lyon. Une valorisation chez Christie’s n’a évidemment pas la même valeur ! Les artistes eux-mêmes, dès qu’ils sont reconnus, semblent parfois avoir du mal à assumer leur notoriété. Et le public lyonnais ? Il a été longtemps été assez timoré. Les plus grands noms de l’art moderne, Picasso par exemple, ont été exposés au Palais de Bondy, mais les Lyonnais restaient indifférents ou s’esclaffaient, même réflexe pour les surréalistes... Les galeristes qui ont exposé de l’art contemporain, du Pop’art, dans les années 1950-1960, voyaient leur vitrine couverte de crachats, se faisaient insulter... Les Lyonnais n’acceptent pas facilement ce qui est nouveau. Il y a dans cette ville une sorte de timidité. Et pas vraiment d’éducation de l’oeil. D’ailleurs, on trouve facilement des faux dans certaines collections ou des oeuvres sans grand intérêt. De plus, certains experts semblent manquer de rigueur et laissent parfois passer en vente des œuvres plus que douteuses. Et vous pensez vraiment dans ce contexte arriver à défendre les artistes lyonnais ? J’irai même plus loin. Si on ne défend pas les artistes, alors la Fondation Renaud n’aura plus de raison d’exister. C’est inscrit dans ses statuts depuis l’origine. Et il faut renouer avec cette mission. Comment faire bouger tout ça ? Pas facile, je le reconnais. Mais nous allons essayer de fédérer autour de la Fondation Renaud tous ceux qui souscrivent à cette ambition. Notamment les collectionneurs qui sont les vrais acteurs du marché. Mais aussi les mécènes. Et bien évidemment les artistes. Mais qu’est-ce qu’un artiste lyonnais ? Des artistes nés à Lyon, mais aussi des artistes non lyonnais qui travaillent à Lyon en se disant, par exemple, ici la lumière me plait. Mais cela peut-être aussi des Lyonnais qui travaillent à l’étranger... Il ne s’agit pas non plus de cultiver une sorte de lyonnitude sinon on retomberait dans ce qu’on critique justement. On ne veut pas enfermer les artistes dans un territoire, mais encourager une dynamique   artistique dans cette ville. Avec, bien sûr, une ouverture sur le contemporain. Et les artistes vivants. Notre rôle n’est pas simplement de célébrer le passé. Mais surtout d’accompagner l’avenir. Et là, il va falloir qu’on fasse nos preuves ! Quel est l’intérêt justement de cette expo sur les artistes des années 60 ? Avec cette expo, «Maudits Lyonnais», nous allons présenter une trentaine d’artistes avec un objectif : montrer ce que les Lyonnais pouvaient voir au cours de ces années 60 s’ils s’en donnaient la peine. Avec la publication d’un ouvrage de qualité. A l’époque, beaucoup d’artistes qui n’étaient pas passés par les Beaux Arts. Des autodidactes qui rejetaient le système, utilisaient de nouveaux matériaux, de nouveaux supports... Et puis il y avait tout un contexte historique : la guerre d’Algérie, mai 68... Et l’arrivée du pop art à Lyon ! Des oeuvres d’une grande hétérogénéité, entre conformisme et nouveauté. Mais aussi un moment clef qui annonce le renouveau de la scène artistique lyonnaise. Pourquoi avoir engagé de tels travaux au Fort de Vaise ? Pour remettre aux normes l’ensemble de ce bâtiment construit en 1830, dont la restauration date des années 1980. Tout a été repensé sur ces 2 000 m2 : accueil, billetterie, sanitaires, signalétique... Mais aussi les deux espaces autonomes d’exposition qui ont été rénovés, avec les casemates dont on a préservé les murs en pierre. Un investissement de 1,4 millions d’euros. Indispensable ! Et ce sera un signal fort pour accompagner le renouveau de notre fondation avec les deux belles expositions que nous avons programmées. Comment allez-vous vous faire connaitre ? Pas facile là encore ! D’autant que ceux qui ont entendu parler de notre Fondation, pensent que nous sommes une émanation du constructeur automobile Renault ! Pour développer sa notoriété, la fondation misera d’abord sur ses projets, notamment les deux grandes expositions que nous organiserons chaque année. Et les animations qui les accompagneront : concerts, conférences, débats, ateliers, rencontres... On va également créer une artothèque accessible au grand public, améliorer notre site internet qui présente nos collections... On va également inscrire dans une vraie démarche le soutien que nous apportons aux artistes. Exemple ? Quand on dote un prix, désormais ce ne sera pas simplement pour signer un chèque mais on exigera que cette dotation s’inscrive dans notre démarche. On avait par exemple un partenariat avec L’Ecole des Beaux-Arts pour un prix. Sans aucune contrepartie pour la Fondation. Ça s’est fini ! On est donc en train de réfléchir à autre chose et ce sera l’intérêt aussi de ceux qui recevront ce prix. Comment allez-vous vous démarquer ? En étant plus lyonnais que les acteurs lyonnais qui interviennent dans cet univers artistique ! On a l’impression parfois qu’il suffit qu’un artiste soit lyonnais pour qu’il ne trouve pas de lieux pour travailler et pour montrer son travail ! Notre objectif est justement d’aller à leur rencontre et de les accompagner. De devenir un lieu d’échange en mettant en avant des jeunes qui méritent d’être connus, des artistes qui montent, des artistes qui sont passés complètement à travers les radars, des artistes venus d’ailleurs... Avec des expos ou des résidences, une ouverture sur tous les langages, le mouvement, la pluralité, les rapprochements, le métissage... Tout sauf s’enfermer ! Il va falloir faire nos preuves. Et on mise sur nos deux premières expositions, car on n’aura pas de deuxième chance ! Mais nous avons confiance, car il y a une vraie attente à Lyon. Propos recueillis par Agathe Archambault et Philippe Brunet-Lecomte Photo : «Madame Erna» de Sonny Meyer, 1965 Inauguration du nouveau Fort de Vaise et vernissage des deux expositions le 29 novembre. Ouverture au public le 30 novembre. Entrée : 5 euros.