A la table des amours célèbres / Éditions des Falaises
Gérard Poteau, ancien administrateur des Monuments nationaux, auteur d'une douzaine de romans historiques, met en lumière des couples mythiques qu'il relie à des recettes. Amour et gastronomie. Plaisir des sens. Quel beau mariage ! Carlo Goldoni n'écrivait-il pas : "L'amour, c'est le meilleur des menus."
La première représentation gustative est de Rubens avec Adam et Eve et la pomme. Comment résister ? Abandonner l'immortalité pour un plaisir gastronomique, cela valait-il le coup ? Je vous abandonne la liberté de la réponse. En introduction, la première recette est la Pomme d'amour naturellement, rouge et brillante comme un cœur passionné. La Reine de Saba la suit de près, délicieuse. "Dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es !" clamait Brillat-Savarin.
Le premier couple en scène : Henri IV et Gabriel d'Estrées auxquels sont associés Potage à la Reine et la poule au pot. N'y voyons pas là une allusion salace ! Louis XV et la Pompadour, de la passion à la profonde amitié, quels plats sont choisis par l'auteur ? Ravioles de langoustines, mets tendre et délicat, et asperges à la Pompadour. Occupons-nous de Napoléon et Joséphine : gaufres et veau Marengo, mais oui, mais c'est bien sûr. George Sand et Frédéric Chopin. La Dame de Nohan aimait recevoir et cuisiner : gnocchis à la crème parfumés au citron et Saint-Jacques au risotto. J'aurai imaginé plats plus roboratifs, plus campagnards, mais ce choix d'un pur romantisme est parfait. Qu'en est-il de la passion Victor Hugo et Juliette Drouet ? Hugo clame "Ôter l'illusion à l'amour c'est lui ôter l'aliment". Que ne ferait-on pas pour un bon mot ? Juliette est moins dans la formule mais plus dans le sentiment embrasé : "Tu es le maître de mes actions comme de mes pensées, de mon cœur, de ma vie et de mon âme." Que sert-on sur ces propos ? Petites gougères au fromage et charlottes aux poires individuelles. Trop mignon ! Autre couple scandaleux, Jean Cocteau et Jean Marais associés à consommé Guénolé et crème vichyssoise. C'est curieusement sage. Dernier duo, Colette et Missy. Colette quelle grande cuisinière ! Elle écrivait "On ne fait bien que ce qu'on aime. Ni la science, ni la conscience ne modèlent un grand cuisinier." Ça c'est bien vrai, aurait-elle pu dire en roulant les r de son accent bourguignon. Pour ce couple saphique, soupe à l'oignon gratinée et riz au lait au four. L'auteur conclut avec le lièvre à la royale, un nec plus ultra. Merci de l'avoir associé à Colette. Pour ses quatre-vingts ans, Raymond Oliver, le chef du Grand Véfour l'invita à le partager avec Curnonsky, le prince des gastronomes.
Illustré avec goût par des peintures et des photographies de mets et de tables raffinées. Un cadeau qui correspond pile poil à l'esprit de fête. Courrez chez votre libraire. Relié. Format : 21x 26 cm. 128 p. 26€
Paule Martigny / Mémoire des Arts – blog-des-arts.com