Dictionnaire impertinent de la gastronomie / Françoise Bourin éditeur

Mercredi, 5 Décembre, 2012 - 08:22

Périco Légasse révèle son engagement sans limite contre les responsables de la mal-bouffe et leurs complices…

Ami de Jean-François Kahn, puisqu'il écrit dans Marianne, Périco Légasse ne m'avait jusqu'alors pas convaincu de sa liberté de pensée. L'opportuniste Jean-François Kahn et son frère le monarchique Axel alimentent mon dégoût pour les abus de pouvoir. Aussi, je fus fort étonné de découvrir dans ce dictionnaire plus que des impertinences, de véritables attaques contre tous les tyrans de la mal-bouffe qui assassinent allégrement le bon petit peuple. Ainsi, Périco s'en prend au groupe Accor : « la mécanisation de la cuisine, c'est Accor, les assiettes dressées à l'avance c'est Accor, le pré-cuit, le pré-mâché, le pré-digéré, c'est Accor. » Ensuite, Périco attaque Ferran Adria, qualifié de caudillo (référence au général Franco qui dirigea l'Espagne) "de la ragougnasse intellectuelle espagnole mondialisée ». Périco nous dit que l'amuse-bouche devient le plat principal et une « pratique exaspérante qui révèle surtout le manque d'imagination du chef, que l'arôme est une illusion trouvée, et que de cette manière « des voyous » bien équipés peuvent ainsi vendre à prix d'or une cuisine totalement artificielle ». Une de ses plus belles charges concerne le bio : « la plus belle lapalissade des temps modernes, car tout était bio avant de ne plus l'être ». Comme vous le lisez, Périco ne se fait pas que des amis. En menant certains combats, on vit dangereusement. Je me sens moins seul. Périco est à très juste titre, un admirateur inconditionnel de Paul Bocuse, qui incarne pour lui la plus haute image de la tradition gastronomique française, désormais en péril. Il a raison d'écrire : « quand Monsieur Paul ne sera plus, une page de l'histoire de France sera définitement tournée. » En revanche, Périco est parfois un mauvais élève. Il doit revoir sa définition de la bouillabaisse. Il devra, lors de sa prochaine visite à notre amie Chantal Chagny, lui en demander l'explication. Jacques Chirac n'est pas épargné, et à juste titre, comme « fossoyeur de la paysannerie française ». Pauvre France ! Chichi en fit bien d'autres en trahissant son camp au profit de François Mitterrand, en provoquant inspiré par Villepin, une couillonnante dissolution, et en déclarant qu'il voterait pour Mollande Ier. Vous apprendrez que le chorizo (pudding espagnol) se dit aussi « voleur » en argot espagnol. Assistons-nous à un coryza de chorizo ? Pour les mots Comté et Gruyère, on sent Périco hanté par le problème de l'origine des trous. Je lui recommande la lecture du théâtre de Kurt Tucholsky (1890-1935), lequel posa cette question fondamentale : « Mais, d'où viennent les trous du fromage? ». Périco sur la définition du cuisinier insiste, pour lui c'est un artisan qui donne à manger : « Comme il est dit à la notice précédente, le cuisinier n'est pas un clown censé faire des pitreries dans l'assiette ». On frôle toujours la délation quand on s'engage comme le fait Périco Légasse. A propos d'Alain Ducasse, il rappelle que celui-ci renia la nationalité française pour choisir d'être monégasque. Oserai-je ajouter que le sieur Alain Ducasse n'est pas regardant sur l'origine des chèques qu'il perçoit. Par contrat, il conseille pour les nouveaux produits, la monstrueuse société Brake France qui fait des ravages dans le milieu de la restauration avec le concours de chefs étoilés ou toqués comme Mathieu Viannay, Joseph Viola et Christophe Marguin à Lyon. Honte sur Alain Ducasse et ses confrères malveillants! L'argent n'a pas d'odeur, et pourtant, « leur cuisine » en a une, plutôt fétide. Périco Légasse a le courage de dénoncer le concept de « meilleur restaurant du monde ». Il affirme qu'il s'agit d'une pantalonnade favorite des médias. Au passage, la presse en prend un coup derrière les oreilles : « une pantalonnade qui n'empêche pas de nombreux journalistes de louer les vertus de cette infamie politique et de laisser insulter nos cuisiniers et nos artisans, en jouant les dindons consentants de cette farce moléculaire. » Bravo Périco. Quelle joie! Mais pourquoi Périco déteste-t-il autant le guide Michelin ? Serait-ce à cause du pitoyable souvenir laissé à la tête de la direction France par l'inconvenant Jean-François Mesplède? Périco annonce la fin de Bibendum, mais celui-ci se tourne vers internet en mettant son guide en ligne. Difficile de rester intègre, le diable est partout et pas seulement dans les détails. L'attitude de Jean-Pierre Coffe, qualifié par Périco « de héros qui a raté sa sortie », n'en est pas un. Sa position, lorsqu'il accepta de faire la pub de Leader Price, accentua un peu plus cette confusion généralisée qui pollue les esprits humains aux quatre coins de notre malheureuse planète. Quant à l'émission de télévision Top Chef, Périco la résume magnifiquement : « Ave grand chef, ceux qui vont se vautrer te saluent » , et il désigne Christian Constant, Jean-François Piège, Ghislaine Arabian et Thierry Marx. On peut en dire autant de Master Chef. Les illustrations de Tignous apportent ce qu'il faut d'ironie mordante. Je l'avoue avec plaisir, j'ai beaucoup appris en lisant ce dictionnaire plus qu'impertinent. Tous ceux qui prétendent s'intéresser de près ou de loin à la gastronomie doivent le lire sans tarder. Broché couverture à rabats. Format : 18,7 x 16,5 cm. 282 p. 22€