Henri Hugon, âme des bouchons lyonnais, vient de quitter la table…

Jeudi, 19 Septembre, 2013 - 08:31

Henri Hugon était un symbole local, entre prudence et convivialité…

Yvon Chatain, Henri Hugon, Paola et Arlette

Avec discrétion, selon l’image qu’il donna de lui tout au long de son honorable existence. Henri Hugon est décédé sans bruit, dans son lit, la nuit dernière, d’un infarctus. Il nous a quittés sans déranger personne, sans imposer le moindre tracas à ses proches. Il était encore derrière le bar qui le rendit célèbre, depuis son installation avec son épouse Arlette, en 1985, la veille, toujours accueillant. Dans la tradition des patrons de bouchons, Henri avait « ses têtes ». Si, la vôtre ne lui « revenait » pas, il ne disait rien. Mais, en fait tout était dit. Son silence était révélateur. Il tournait le dos, et partait mettre en pot quelques bons crus. Dans ce domaine, Henri, fier disciple de Gnafron, était un spécialiste absolu. Il n’avait pas apprécié, la guerre des bouchons fomentée récemment, par des esprits irrespectueux. Né à Belleville-sur-Saône, le 2 août 1941, il connaissait parfaitement les vins du Beaujolais. Pas un « village » qu’il n’ait abordé de ses lèvres expérimentées. Pas un « climat » autour de la colline de Py qui n’ait échappé à son palais raffiné. Le Morgon était son cru préféré. A son sujet, il était intarissable. Il faut dire que sur ce territoire, les domaines sont nombreux. Il appréciait aussi le Fleurie de chez Chanudet. Henri aimait les mots d’esprit. Peut-être était-ce pour cela qu’il avait voué une amitié inaltérable au professeur André Maréchal, qui fut proviseur du lycée du Parc, et un conseiller municipal aimant rire, boire, chanter, et bien manger. André Maréchal connaissait tout le répertoire. Je le sais pour l’avoir entendu entonner, à sa démesure. Bon vivant, ces hauts moments de partage, de sentiments éternels, réjouissaient le modeste compagnon au cœur simple que savait être Henri Hugon. Arlette, son épouse depuis 1967, occupant le devant de la scène, Henri jouait en fond de rideau, avec une efficacité rarement prise en défaut. La gloire était venue, bien avant que le restaurant Chez Hugon n’ait reçu le Prix du Meilleur Bouchon, des mains de Jean-Luc Duflot, directeur régional de LCL-le Crédit Lyonnais. Mais, pas question de prendre la grosse tête. Henri Hugon était un esprit opiniâtre. Jamais, il ne dérogea à la tradition de la partie de cartes avec ses amis : Yvon Chatain le critique gastronomique, ami de Bernard Frangin, Roger Savet, Bernard Roussel, etc. Tous les hommes politiques qui comptèrent dans la ville, goûtèrent un jour, la célèbre blanquette de veau d’Arlette, ou simplement, son tablier de sapeur : Francisque Collomb, Charles Béraudier, Henri Bailly, Marc Randanne, Charles Hernu, Joannès Ambre, Christian Bonnefond, René Perrin, Félix Rollet, Tony Bertrand, Jean Miriot, Henri Chabert, Marie-Chantal Desbazeilles, André Soulier, Gilles Buna, Pierre Moulinier, Michel Noir, Jean-Paul Bonnet, Raymond Barre, et même, Gérard Collomb, etc. Parmi les autres clients illustres : Maurice Lacaton, Pierre Nallet, Francis Deswarte, Florent Garnier, Henri Millers, le pittoresque Francis Allimant, etc. Dès leurs débuts, Arlette et Henri avaient obtenu le diplôme attribué par la Confrérie des Francs-Mâchons. Bien entendu, André Mure repéra immédiatement ce bouchon respectueux de la tradition, et le répertoria dans son guide gastronomique. Anne-Marie Martin, animatrice de la galerie Malaval, organisait tous ses repas de vernissage Chez Hugon. J’ai souvent dîné là, à cette occasion avec le Pr Henri-André Martin, le critique d’art, René Deroudille, et le peintre, Jean-Albert Carlotti. Toutes les personnalités de passage dans notre bonne ville de Lyon appréciaient le tandem expérimenté que formaient Arlette et Henri. Elle, derrière ses fourneaux, lui, au milieu de ses pots et autres fillettes glorieuses. Henri n’était pas un expansif. Pour vous manifester son affection, il vous versait presque d’autorité un verre de Beaujolais. La partie était gagnée. Vous étiez entré dans le Cénacle. Le monde de la gastronomie est touché par ce deuil inopiné. Nous pensons à Paul Bocuse, à Colette Sibilia, à Renée Richard, à Pascal Bonhomme, etc. Nous souhaitons beaucoup de courage à Eric, son fils, et bien entendu, nous sommes de tout cœur avec la généreuse, Arlette. Nous présentons à toute sa famille et à ses nombreux amis, nos très sincères condoléances.