Harlem Shuffle / Albin Michel

Dimanche, 19 Mars, 2023 - 11:09

Petites arnaques, embrouilles et lutte des classes… Un roman féroce et drôle

Colson Whitehead s'est imposé en seulement trois romans, comme une figure incontournable de la littérature américaine contemporaine. Deux Prix Pulitzer, pour "Underground railroad" en 2017 et "Nickel boys" en 2020. Rares sont les écrivains deux fois lauréats du prix Pulitzer : Booth Tarkington (1869-1946), William Faulkner (1897-1962) et John Updike (1932-2009). Avec "Underground Railroad" (Albin Michel), son sixième roman, il retraçait la fuite, dans les années 1850, d’un jeune esclave à travers les Etats du Sud. Dans "Nickel Boys", toujours chez Albin Michel, il faisait le récit de l’histoire d’un jeune Noir, victime d’une erreur judiciaire et envoyé en Floride dans une "école" tristement célèbre pour ses méthodes d’humiliation. Il faut du talent pour réussir un pareil doublé. Ce qui frappe avec "Harlem Shuffle", c’est son étonnante capacité à se renouveler. Son énergie créatrice se réinvente autour de ses thèmes privilégiés : race, pouvoir, histoire, qu'il transpose ici dans ce polar quasi parodique truculent. Nous sommes dans le Harlem des années 1960. Ray Carney, père de famille attentionné et fils d’un homme de main lié à la pègre locale, est vendeur de meubles et d’électroménager sur la 125e rue à New York. "Pas un voyou, tout juste un peu filou ». Des petites combines tranquilles jusqu’au jour où son cousin lui propose de cambrioler le célèbre Hôtel Theresa, surnommé le Waldorf de Harlem. Entrent en scène des personnages borderline : Chink Montague, habile à manier le coupe-chou, Pepper, vétéran de la Seconde Guerre mondiale, Miami Joe, gangster tout de violet vêtu, et autres flics véreux ou pornographes pyromanes. Ils jouent autour du personnage principal qui est Harlem, haut lieu de la lutte pour les droits civiques, où la mort d’un adolescent noir, abattu par un policier blanc, déclencha en 1964 des émeutes préfigurant celles qui ont eu lieu à la mort de George Floyd. Tous les codes du roman noir sont là. Une lecture parfaitement réjouissante. Traduit de l’américain par Charles Recoursé. Broché sous jaquette. Format : 14 x 20,5 cm. 432 p. 22,90€. Paule Martigny