L’enfant du volcan / Albin Michel

Mardi, 21 Février, 2023 - 13:08

Dédié à tous les enfants du monde qui ont été déplacés malgré eux

Ce roman vrai d’une enfance volée est co-écrit par Ghyslène Marin et son fils Léo. Il est inspiré de l’émouvante histoire de Ghyslène Marin une "enfant de la Creuse": un des milliers de jeunes Réunionnais qui ont été déportés en France par l’État entre 1964 et 1984 afin de repeupler les régions vidées par l’exode rural. Ghyslène Marin a 57 ans, elle est professeure de Lettres à Paris. Léo Marin, 22 ans, a étudié la philosophie et l’économie à Henri IV et à McGill. Il a intégré la classe libre du cour Florent en septembre 2022. Dans ce roman les jeunes Réunionnais soustraits à leur famille vivent dans l’orphelinat de Saint-Avre. Parmi eux, la jeune Mia indocile trouve un peu réconfort auprès d’Ernestine et d’Hector, un vieux couple sans enfant qui tient une épicerie. L’attachement grandit entre ces trois êtres blessés, ce couple atypique débordant d’amour et Mia révoltée et en proie au racisme. Les sorties de la jeune Mia se multiplient et une belle connivence s’installe, Mia les appellent Mémé et Totor : "Les soirées ressemblaient à des vacances", "Elle découvrait l’apitoiement, elle qui jusqu’alors n’avait eu de peine que pour elle". Ernestine alertée par la probable adoption de Mia par un couple de médecins va s’engager dans des démarches infernales, hélas infructueuses pour adopter la petite. Les autorités administratives sont inflexibles. Cette fiction constitue un subtil terreau sur lequel Ghyslène Marin puise avec finesse aux sources de son propre passé. L’Enfant du volcan donne chair à cet invraisemblable drame vécu par des milliers d’enfants déplacés entre 1962 et 1984 vers des communes dépeuplées de la métropole, dans une totale indifférence. Les enfants réunionnais déplacés en Creuse sont accueillis, lors de leur arrivée, dans un foyer de Guéret. Certains ont été adoptés, d'autres sont restés en foyer ou ont servi de main-d’œuvre gratuite dans les fermes, les paysans les utilisant comme "bonne à tout faire" ou "travailleur sans salaire" avec des conditions de vie dignes de l'esclavage. Les enfants déplacés ont été déclarés pupilles de l’État, c'est-à-dire que leurs parents n'avaient plus aucun droit sur eux, une minorité de ces enfants étaient orphelins. Pourquoi? Abusés, des centaines de parents illettrés ont signé des procès-verbaux d'abandon qu'ils ne pouvaient pas déchiffrer. Ils ne reverront jamais leurs enfants. Les fonctionnaires de la DDASS laissaient croire aux parents réunionnais auxquels ils retiraient les enfants qu'ils suivraient de grandes études en métropole. Les victimes de ces transferts les ressentirent comme une déportation, leur histoire a fait l'objet d'une résolution parlementaire, et d'une commission d'information pour établir les faits, les responsabilités, et ainsi permettre la reconnaissance des préjudices par l'état. Déracinés, déculturés, les enfants se retrouvèrent le plus souvent en échec scolaire. Quelques-uns obtinrent le certificat d’études primaires, entrèrent en apprentissage, devinrent cuisinier, boulanger, ouvriers, menuisier. D'autres finirent garçon de ferme ou femme de ménage, d'autres encore furent internés dans des institutions psychiatriques. Des ouvrages historiques, des romans, des récits autobiographiques, des documentaires télévisuels et radiophoniques et même des fictions ont été publiés et réalisés depuis le début des années 2000.  Révoltant, déchirant, émouvant. Un roman à lire absolument. Broché. Format : 14 x 20,5 cm. 320 p. 20,90€. Paule Martigny