Ramsès de Paris / Seuil éditions

Samedi, 6 Septembre, 2025 - 14:08

Comme une légende urbaine dans un rythme qui déménage…

A Pointe-Noire Berado vit dans l’admiration et l'ombre de son "grand frère" Benoît, charismatique musicien à la recherche de la gloire. Il est parti à Paris dans l’appétence de devenir une star. Paris l’Eldorado associé au grand frère, le rêve s’installe dans l’esprit du jeune écrivain en herbe qui part à sa recherche. Arrivé à Paris, lui qui se fait appeler Berado prince de Zamunda, vit dans le quartier cosmopolite très animé de Château Rouge. Il charme, accumule les aventures, tombe amoureux d’une blonde bretonne qu’il épouse, au grand désarroi de maman Mushama, sa généreuse maîtresse, patronne du restaurant Manioc Pays.

Roi des embrouilles et bavard invétéré, il se confie à son "frère africain" l'égyptien Ramsès, réceptionniste et barman du Salam Hôtel dans le XIe arrondissement. Sa puissante verve est sans cesse interrompue par le passage de divers personnages. Berado qui est doué pour fausser les cartes, continue son discours et se perd lui-même entre fiction et réalité. Cet état bizarre serait-il du à l’effet du thé ?

Le roman bâti sur la logorrhée de Berado est une sorte de promenade d’exilés qui cherchent le bonheur. Il est composé en 55 chapitres, un nombre pas anodin, le lecteur comprendra. De savoureux dialogues et monologues animent ce roman qui brasse le monde. Alain Mabanckou n’hésite pas à se moquer à travers son personnage. Il déclare d'ailleurs : "L'autocritique est essentielle si l'on veut ensuite poser un regard juste sur le reste du monde". C'est ce qui se dégage ici comme dans son essai Le Sanglot de l'homme noir (Fayard 2012), classé dans les meilleures ventes d'essais et documents.

L’épine dorsale du livre est fondée sur les sentiments humains et les communautés. Exemple de la marque de fabrique d’Alain Mabanckou  qui écrit comme il parle et inversement, le récit drôle et sarcastique traite de l’exil d’africains, dans la débrouille et le soutien fraternel. On s’attache à ces personnages pittoresques qui nous font vraiment bien rire. Une lecture dans laquelle on s’engouffre avec étonnement tout d’abord, déroutés par les invraisemblances du discours de Berado à Ramsès, puis très vite emportés par cette verve imagée et savoureuse. Un voyage recommandé au pays des fanfaronnades, de l’amour, de l’amitié et même des inimitiés qui nous enseigne et nous fait réfléchir.

L’auteur Alain Mabanckou passe son enfance dans la ville côtière de Pointe-Noire au Congo-Brazzaville où il obtient un baccalauréat en Lettres et Philosophie au Lycée Karl-Marx. Grâce à ses études de droit il obtient une bourse et s’envole pour la France. Il a 22 ans, quelques manuscrits dans ses bagages, des recueils de poèmes pour la plupart, qu’il commencera à publier trois ans plus tard. Après un DEA de droit à l'Université de Paris-Dauphine, il travaille une dizaine d'années dans le groupe Suez-Lyonnaise des Eaux, mais se consacre de plus en plus à l'écriture avec la parution en 1998 de son premier roman Bleu-Blanc-Rouge qui lui vaut le Grand Prix Littéraire de l'Afrique noire. Il ne cessera plus de publier.

Verre cassé, (2005) est unanimement salué puis Mémoires de porc-épic (Prix Renaudot 2006). Les deux romans sont parus chez Seuil. En 2007 reparaissent ses écrits poétiques chez Points-Seuil, sous le titre de Tant que les arbres s’enracineront dans la terre, ainsi que le livre qu’il consacre à l’écrivain américain James Baldwin, Lettre à Jimmy (Fayard),. En 2008 Alain Mabanckou traduit le jeune prodige des lettres américaines, Uzodinma Iweala, d'origine nigériane, auteur de Beasts of no nation, (Bêtes sans patrie, Éd. de L'Olivier). Bazar (Seuil 2009) est classé parmi les 20 meilleures ventes de livres en France.  

J'aurai vingt ans marque son entrée dans la collection Blanche des éditions Gallimard (Prix Georges Brassens 2010). En 2012 l'Académie française lui décerne le Grand Prix de littérature Henri qui couronne l'ensemble de l'œuvre d'un écrivain). Après vingt-trois ans d’absence, Alain Mabanckou est retourné à Pointe-Noire, ville portuaire du Congo : l'écrivain évoque ce retour dans Lumières de Pointe-Noire, paru en janvier 2013 aux Editions du Seuil - Collection Fiction & Cie… Alain Mabanckou à travers ses romans et ses récits décrit l'expérience de l'Afrique contemporaine et de la diaspora africaine en France. Il est considéré comme l'un des écrivains contemporains les plus prolifiques d'Afrique francophone.

Broché. Format : 14 x 20,6 cm. 272 p. 21€

Paule Martigny / Mémoire des Arts – blog-des-arts.com