Nature & Parure / Éditions de La Martinière

Mardi, 4 Avril, 2023 - 08:14

Métamorphoses végétales et picturales innées exceptionnelles

Images renversantes de beauté de Hans Silvester accompagnées de textes d'Éric Fottorino. Hans Silvester, grand photographe, né en 1938, a arpenté l’Europe, l’Orient et l’Amérique avant de s’aventurer en Inde et en Afrique. Il a accompli trente-neuf voyages depuis 2002 auprès des Suri, éleveurs semi-nomades dans la vallée de l’Omo, berceau de l'humanité, au sud de l’Ethiopie. Ils sont réputés pour "les fascinants tableaux dont ils recouvrent leur visage et leur torse", des combinaisons artistiques stupéfiantes entre parures de tête et peinture de visage et de corps. Une fois rasé de frais comme le veut leur tradition les Suri couvrent leur tête de feuillages et de végétaux que leur offre la nature : baies, herbes, fleurs, fleurs et fruits. La vocation première était le camouflage pour se protéger des prédateurs, supplantée de nos jours par une concession pour le tourisme. Les agences amènent directement leurs clients sur certaines zones. Le responsable comme toujours, l’argent. En 2002, époque où il était compliqué d’approcher les Suri, Hans Silvester se souvient que ce peuple vivait de troc avant que la perversion arrive, menaçant la spontanéité originelle. "En espérant que cet art saura résister aux ravages mercantiles" écrit Éric Fottorino. Ne sommes-nous capables que de corrompre, d’abîmer ? Nous ne voulons pas le croire. C’est à la fin de la saison sèche que les parures et l’inventivité sont les plus spectaculaires, traduisant un goût inné pour la beauté en harmonie avec la nature. Les coulures de terre fournissent le rouge, l’ocre, le jaune et le blanc. Le noir quant à lui est confectionné avec du charbon de bois. "S’ils n’ont pas de couleurs sous la main, la cendre leur fournit du blanc et leur sert en même temps de protection contre es mouches et les tiques." Aucune parure n’est identique. Le renouvellement est permanent et cet acte créatif est vécu par les enfants comme un jeu. "Qu’un tel art puisse exister à ce niveau est un miracle. D’où la nécessité, coûte que coûte, de l’archiver tant qu’il en est encore temps"… Concluons avec ces mots d’Eric Fottorino : "Gageons qu’ils sauront se détourner des miroirs aux alouettes de notre époque et préserver ce qui fait leur richesse inimitable. S’ils venaient à l’oublier, les photos d’Hans Silvester leur rappelleront qui ils sont." Une anecdote pour finir : le photographe montra ses premiers clichés. "Mais la première fois qu’il fit le portrait d’un chef, les choses ne se passèrent pas comme prévu. Le cacique en question mesurait environ deux mètres. Quand il découvrit des clichés de lui en format 18/24, il se vit tout petit. Les villageois se mirent à rire et à les commenter. Comment le grand chef était-il devenu minuscule ? Il était très fâché, il avait l’impression qu’Hans Silvester se moquait de lui. Ils n’ont jamais réussi à renouer de bonnes relations." Découvrez ces photos admirables, et conservez précieusement ce livre magnifique. La grâce des corps effilés et des ports de tête altiers, leur élégance naturelle. Relié. Format : 19 x 25,5 cm. 192 p. 29,90€. En librairie le 7 avril 2023. Paule Martigny