Un pacte avec le Diable / Albin Michel

Lundi, 27 Mars, 2023 - 14:09

Quand la France recrutait des scientifiques nazis. Les grands mensonges des négationnistes. L’oubli institué en vérité.

Un pacte avec le diable est la mise à jour d’un pan méconnu et sidérant de notre histoire contemporaine. Il s’agit d’une enquête inédite de Michel Tedoldi, documentariste et réalisateur pour France Télévisions et Arte. En quête de preuves. Combien furent-ils, ces scientifiques nazis recrutés ? "La France révèle une incapacité quasi pathologique à quantifier officiellement un phénomène, un événement, une activité. Je m’y étais déjà trouvé confronté lors de l’affaire de l’amiante…" "Je la retrouve aujourd’hui avec l’histoire de ces scientifiques allemands, comme si le fait de ne pas les évoquer suffisait à minimiser leur présence, voire à l’effacer." L’oubli institué en vérité.  C’est le cas par exemple de la fusée Ariane. Les concepteurs n’ont pas grand chose de français. « Oubliés les déportés, le tunnel de Dora, Mittelwerk » Voilà comment on passe 20 000 morts par pertes et profits. Pourquoi donc ? Parce qu’au lendemain de la guerre, on voulait oublier, le retour des déportés en est la preuve. On voulait aller de l’avant, les Trente Glorieuses étaient en marche. La chasse aux savants était ouverte. Américains, Britanniques, Français, Soviétiques étaient aux starting-blocks, quitte à s’espionner.  La chasse aux savants était ouverte opposant les Alliés. Les nazis étaient à deux doigts d’avoir la bombe. Les Américains entrèrent en lutte pour récupérer le potentiel scientifique et militaire de l’Allemagne nazie. Ils furent superbement accueillis aux Etats-Unis. C’est ainsi qu’en France, dans une situation paradoxale et tristement ironique où d’un côté pour se donner bonne conscience avec une politique "d’épuration", on tondait les femmes et on tuait les "collabos", d’un autre les scientifiques nazis trouvaient refuge afin d’y poursuivre leurs travaux, exemptés des restrictions qui touchaient les Français.  Ce n’étaient pas de simples ingénieurs. Pendant la guerre nombre d’entre eux participèrent au bon fonctionnement du système nazi, ne se privant pas d’ordonner sévices et pendaisons. Ferdinand Porsche dont Hitler avait financé l’usine, fut accueilli à bras ouverts dans les usines Renault alors qu’on avait laissé mourir Louis Renault en prison dans des circonstances ignobles. Que pouvait-il faire sinon de la résistance passive comme ce fut le cas ? Quelques noms : Heinz Bringer responsable de l’assemblage des V2 à Dora, imposant aux déportés des conditions de travail abjectes, Wernher von Braun, Hermann Oestrich, un comble, décoré de la Légion d’honneur en 1962, Otto Ambros, ami d’enfance de Himmler, criminel de guerre accueilli avec enthousiasme, Rolf Engel, une carrière nazie dans les fusées et la répression, etc. Des petits arrangements s’affranchissant de la morale au  nom de l’intérêt national. Il fallait faire repartir la machine et la concurrence était rude. Alors oui, un sujet enterré avec soin que l’auteur, Michel Tedoldi qui au début de son enquête, a eu de la peine à exhumer cet épisode "fantôme" trop explosif. Puis, en persistant, les fils se sont déliés. Au terme d’une enquête qui va le mener jusqu’aux lieux où ont vécu et travaillé ces Allemands, mais aussi dans le dédale des archives de la République, au travers d’entretiens avec les rares témoins encore en vie, d’échanges avec des historiens et de la consultation d’archives audiovisuelles. Broché. Format : 14,5 x 22,5 cm. 256 p. 21,90€. Paule Martigny