L'empereur à pied / Seuil

Samedi, 21 Octobre, 2017 - 10:09

Roman de Charif Majdalani. Une histoire faite de gloire, de puissance et de misère

C'est l'histoire d'une famille sur cinq générations et celle d'un terrible serment. Khanjar Jbeili, il y a un siècle et demi, apparut dans les montages du Liban entouré de ses trois fils. Il releva le défi de produire sur des terres arides au sommet de la montagne, impossibles à cultiver. Figure imposante, celui qui fut surnommé l'Empereur à pied, parvint à fonder un domaine immense. La prospérité arrivant, il imposa une règle absolue à tous ses descendants. Seul le fils aîné de chaque génération aurait le droit de se marier et d'avoir des enfants, afin de conserver les biens, qui devinrent incalculables, dans leur totalité indivisible. Les frères et sœurs seraient autorisés à participer mais pas d'hériter. Du milieu du XIXe siècle à nos jours, les descendants respecteront l'interdit, mais à quel prix? Certains voyageront dans le monde entier fuyant l'ombre de la malédiction ancestrale. D'autres nourriront fugacement « un désir d'espace et de gloire à l'ancienne, de quête absurde d'un certain Orient ». Le dernier d'entre eux, celui qui veut rompre avec l'interdit, raconte. Les temps anciens à propos des fils de l'empereur à pied ont une allure de conte persan. Les témoignages sur l'histoire devenue légende rappellent le ton de « L'Homme qui voulut être roi » de Rudyard Kipling. C'est dire l'intérêt de cette histoire imbriquée dans celle du Liban. Les toutes dernières pages, pamphlet contre les ravages de l'immobilier pilier des fortunes, qui défigurent le pays sont d'une beauté saisissante. C'est un cri de détresse devant la nature profanée par les ogres qui dévorent le paysage. Charif Majdalani est né au Liban en 1960. Parmi ses romans récents, tous parus au Seuil : Le Dernier Seigneur de Marsad (2013) que nous avions chroniqué dans Mémoire des Arts, et Villa des femmes (2015). Lecture recommandée. Broché. Format : 20,5 x 14 cm. 390 p. 20€. P.M.