88e Salon de la Société des Aquarellistes lyonnais

Mardi, 14 Novembre, 2023 - 10:17

L’aquarelle, un seul médium et pourtant une telle diversité. Chaque aquarelliste a son style identifiable et tous sont excellents.

Philippe Allain simplifie pour dire beaucoup. C’est tout un art et c’est le sien. Son œil partage sa composition. Il ne conserve que ce qui lui semble essentiel et l’exprime avec une palette économe de tons minutieusement choisis. Il peut revenir semble-t-il sur le même motif et décliner une sensation à chaque fois renouvelée. Pour préciser relevons une parenté avec Giorgio Morandi qui a consacré la majorité de son œuvre à peindre un assemblage d’objets rudimentaires. La peinture révélatrice d’un « paysage intérieur »

Christiane Bonicel possède l’art des contrastes et du flou que permet l’aquarelle. Qu’on ne s’y trompe pas, cette apparente facilité requiert du métier, de la pratique et de la maîtrise, car l’aquarelle ne supporte pas le repentir. La retouche gâche tout. Question de savoir-faire et de sensibilité dont Christiane Bonicel est un exemple indéniable. Il suffit de regarder longuement ses paysages et ses fleurs pour en être convaincu.

Georges Boulé alliant fraîcheur et transparence domine les aléas de la peinture à l’eau. Il étonne par des effets miroir de la lumière sur l’eau, une première neige ou un été varois, un ciel d’orage et les multiples aspects de Lyon. La qualité de ses bleus généreusement appuyés donnent un relief singulier. A-t-il entendu la leçon de Gauguin au jeune Paul Sérusier ? Comment voyez-vous(…). Cette ombre ? Plutôt bleue, peignez-la avec de l’outremer pur (…)

Marius Cousin lui aussi aime Lyon, ses axes uniques, ses lueurs inédites, ses halos. Ils inspirent la subtilité de sa palette. Pas étonnant que Bruges ait retenu son intérêt. Il y a une proximité d’atmosphère. Dans ce « bijou » traité dans un format horizontal de dimensions modestes, on retrouve la luminescence d’un Turner. La surexposition de la lumière y est remarquablement restituée.

Gilles Durand pratique une aquarelle directe, Il est attentif à la circulation de la lumière, à la beauté de ce qui l’entoure, paysages naturels et architectures de nos campagnes. Paddle à Bandol et Les Bleus de Porquerolles très différents de ses prés au crépuscule ou de la brume sur le lac d’Annecy témoignent de sa capacité à s’adapter. Dans ce cas la coque blanche du voilier est en rupture avec la mer étale d’un bleu intense et le tableau partagé à la verticale par un mât hors cadre.  

Patrick Galante est très impliqué dans les carnets de voyage, Il présentait ses réalisations au Rendez-vous international du Carnet de voyage à Clermont-Ferrand du 17 au 19 novembre. Ici il expose des fleurs, et des impressions de voyage. La manière de ce géant a gagné en délicatesse. Une grâce quasi féminine emplit ses feuilles d’aquarelle. On peut dire sans flagornerie qu’il s’installe dans la plénitude de son art.

Didier Georges privilégie le noir et blanc, à la recherche de contrastes. La couleur surgit parfois, un signe, pour jouer avec notre regard. Mais le plus souvent le noir et le blanc se suffisent à eux-mêmes. C’est son style. Jouer entre le blanc du papier, installer des noirs intenses et des gris dilués. L’eau habite le papier et surprise, les visages et les personnages apparaissent presque photographiques. Ce qui ne l'empêche pas de s’épanouir aussi dans la couleur.

Thierry Grosfilley explose comme chaque année, il subjugue avec ses grands formats débridés et ses couleurs pures. La vision dantesque d’une fonderie avec jets et masses en feu, ou l’imbroglio de lignes du dépôt Perrache nous interpellent. Il s’imprègne à chaque fois de son sujet et trouve le meilleur moyen de traduire ce qu’il voit. Quand il représente les fleurs, c’est encore autre chose. Il joue naturellement avec les réserves du papier, créant une constellation.

Franck Hereté nous l’avions découvert avec ses œuvres sur les avions, étonnantes de réalisme et de détails. Normal il est peintre officiel de l’Air et de l’Espace. De plus en plus il élargit ses sujets. Le pont Lafayette blanchi de soleil prouve que son champ d’intérêt est libre et que son oeil d’artiste vagabonde. Les péniches amarrées au quai du Rhône prouvent sa grande maîtrise de la lumière

André Lebreux, dont la première aquarelle date de 1957, a gardé intact son esprit de curiosité. Non seulement ses rues de Lyon, ville si chère à son cœur, sont saisies avec justesse et poésie, mais son travail précieux pour la préservation du patrimoine est aussi celui d’un dénicheur. Je ne connaissait pas cette impasse ravissante dans le Vieux-Lyon digne d’un village classé. Ses paysages dans leur touchante simplicité portent l’empreinte d’une âme romantique.

Lessia Scafi, diplômée des Beaux-Arts de Kiev a participé à de nombreux salons d’aquarellistes et est devenue sociétaire des Aquarellistes lyonnais en 2022. Les jeunes paysannes pensives repliées en elles-mêmes, évoquent son pays torturé. En costume traditionnel cernées de fleurs, le rose domine comme un espoir ou un doux souvenir. Lessia se distingue par son style, s’approchant du sfumato, manière d’atténuer les contours chère au grand Léonard.

Cette année l’invitée est Emmanuelle Germaneau. Elle joue avec les imprévus de l’aquarelle. C’est le côté extraordinaire de cette technique. L’œuvre avec laquelle elle s’affirme dans une forme contemporaine alliant juxtapositions de formes et combinaisons graphiques a retenu notre attention. Un travail à suivre avec intérêt.

Pour terminer dans l’émotion de cette visite enchantée, je tiens à remercier chaleureusement la Société des Aquarellistes lyonnais et leur président Patrick Galante, pour l’hommage rendu à Alain Vollerin dans l’édito du catalogue. Ce valeureux, passionné et cultivé critique d’art, toujours sabre au clair, éprouvait une affection particulière pour les aquarellistes conscient que les œuvres sur papier étaient trop souvent négligées par les collectionneurs. Pour lui, et moi-même cet art exigeant et délicat, mérite une place à parité avec toutes les autres formes picturales. De très grands artistes dans l’histoire de l’art ont excellé avec ce médium qui est à la peinture ce que la poésie est à la littérature.

Comme le précise Patrick Galante : "Chacun d’entre eux à son univers n’hésitez pas à venir dialoguer et les rencontrer lors de leurs permanences". Et nous rajoutons : faites vous plaisir avec une œuvre originale, les prix sont vraiment très abordables. Attention le salon se termine lundi 27 novembre.

www.societe-des-aquarellistes-lyonnais.com. 88e Salon de la Société des Aquarellistes lyonnais. Espace Berthelot. 14 avenue Berthelot. Tous les jours 13h30 – 18h30. Week-end en continu 10h-18h30. Jusqu’au lundi 27 novembre 2023

Paule Martigny. Mémoire des Arts / blog-des-arts.com