Alain Pouillet / Galerie Françoise Besson

Samedi, 16 Août, 2025 - 10:17

Alain Pouillet. 50 ans de peinture hors du champ des modes. Sensible à la Nature, aux dérives des hommes, réaliste mais toujours confiant. La vie plus forte que tout.

Au risque d’embellir la vie des hommes, c’est un titre générique de longue date, utilisé en 1990. Il convient impeccablement à cette œuvre engagée, témoignage de douleur, de brutalité, et malgré tout chargée de confiance et de bienveillance pour nous autres humains. L’art témoigne, bouscule, éveille, émeut, mais aussi, réconforte. La dimension indulgente d’Alain Pouillet s’exprime même dans la révolte. Réveillez-vous, réagissez, mais avant tout aimez et respectez cette Nature, suprême cadeau qui nous est offert et qui nous dépasse dans son grand mystère.

Françoise Besson propose une exposition d’un ensemble de 130 pièces qui cohabitent en trois lieux. Espéranto, choisi à bon escient, dans la Grande galerie, Les Portes de lumière dans la Maison et Cabinet graphique en deux volets (18 septembre-11 octobre et 11 décembre 2025 – 31 janvier 2026) dans la Petite Galerie. C’est un peu tout Pouillet depuis ses débuts. Un challenge pas simple. Comment montrer toutes les facettes d’une production sur cinq décennies, si intense ? Défi relevé en beauté avec un accrochage remarquable supervisé par l’artiste. Un pur régal. Et dans le sens d’une grande générosité et d'une volonté de partage, les prix débutent très raisonnablement avec les œuvres sur papier, pour un accès à tous. Le parti pris de l’exposition chargée de sens, va davantage dans le sens de la conscience de la préservation de la nature, de la mise en lumière de la chair, que dans le fracas de La Nuit des barbares, ou de La mise à jour des restes.

Dans la Grande galerie on apprécie plusieurs très grands formats de différentes périodes. Des enfants sous l’eau nous regardent à travers leurs lunettes de natation toutes rondes à gros verre. Les yeux écarquillés. On pourrait penser à un aquarium, mais en fait ce sont eux qui nous mettent à nu. Ils interrogent les adultes. Étonnés, amusés, ils nous observent nous débattre, tout à la perte de notre innocence enfantine.

Dans l’espace Maison, de grandes pièces aussi : du linge étendu, le séchage de harengs, la lumière d’été qui joue sur les portes. Un petit espace est dévolu à de minuscules formats, à regarder attentivement, et dans le "boudoir" de somptueux nus aux tendres tonalités entièrement recouverts de petits points blancs. Jamais montrés jusqu’alors. On remercie Françoise Besson pour la vigilance de son regard lors d’une visite de l’atelier de Saint-Cyr de Valorges.

Dans la Petite galerie, 6 rue de Vauzelles, avec les œuvres sur papier, souvent source de grandes peintures, c’est un concentré de la recherche d’Alain Pouillet depuis 1974, et ses débuts concrets au retour de son service militaire, moment où curieusement il avait profité d’un atelier peinture. Auparavant, natif d’une famille nombreuse vivant dans un HLM, dès l’âge de 17 ans, il fut ouvrier dans une usine de pompes à injection à Vénissieux pendant dix ans. C’est là qu’il fut repéré par le peintre Georges Manillier qui l’encouragea, dont il se souvient avec émotion et gratitude. L’accrochage va jusqu’à 2000, depuis sa toute première peinture teintée de surréalisme.

Le jour de la visite de presse, Alain Pouillet était présent au milieu de ses peintures, c’est une chance inégalable. Il commenta volontiers avec une faconde qui lui est si personnelle, si authentique, si touchante. Ses anecdotes savoureuses incitant à regarder avec encore plus d’attention. Il expliqua les dessins qui préfigurent les tableaux, indiquant que ça ne va pas forcément dans le sens qu’on voudrait au départ.  

Trois conservatrices de musées rhône-alpins associés à ce vibrant hommage étaient présentes. A cette occasion chacune a sorti des collections des peintures d’Alain Pouillet. A Bourg-en-Bresse, Magali Briat-Philippe, responsable du service des patrimoines du Monastère royal de Brou pour l’exposition Incarnations, s’est associée avec le MAC de Lyon. Il possède dans son fonds d’immenses peintures d’Alain Pouillet acquises suite à deux expositions qui lui furent consacrées au début années 1980. Incarnations, est un projet construit en cohérence avec le mausolée du Monastère. Un parcours instauré depuis l’église, avec une traversée du cloître jusqu’à l’espace des expositions temporaires. Un choix significatif de deux retables d’Alain Pouillet est établi en connivence avec les œuvres du musée. L’un célébrant la Nature, l’autre les chairs. Ils sont présentés suspendus aux poutres, occupant l’espace en élévation. A Villefranche sur Saône, Marion Ménard, directrice du musée municipal Paul Dini met en lumière des peintures d’Alain Pouillet qui figurent dans la donation de Josselyne Naef (50 œuvres de 34 artistes effectuée en 1999). A Mâcon, Michèle Moyne-Charlet, conservatrice du Musée des Ursulines présente Anima. L’exposition trouve son origine à partir du grand nid d’Alain Pouillet présent dans les collections. Les animaux peints par l’artiste vont se répondre. Si on regarde attentivement le chien par exemple, tout est résumé dans son regard affligé. Une compassion qui nous rappelle celle contenue dans les yeux du chien de Goya.

Comment terminer cet article sans évoquer le délicat petit livre conçu par les éditions Fage paru à l’occasion (Collection Paroles d’artiste. Bilingue. 7,90€). Un concentré exemplaire. La citation en 4e de couverture forme une conclusion explicite du fil conducteur de la pensée et de l’œuvre d’Alain Pouillet : "Réparer le monde. Comment on va le réparer ? Parce qu’il va falloir le réparer."

Une exposition à ne surtout pas manquer.

Galerie François Besson - 18 septembre – 20 décembre 2025. Vernissage 17 septembre. 10 rue de Crimée. Du mercredi au samedi 14h30 – 19h et tous les jours sur rendez-vous.

https://www.francoisebesson.com/representation/alain-pouillet

Paule Martigny / Mémoire des Arts – blog-des-arts.com