Face au visage XXe XXIe siècle / Citadelles & Mazenod

Vendredi, 27 Octobre, 2023 - 20:05

Itzhak Goldberg suit les changements de la représentation du visage dans la peinture au cours du XXe et XXIe siècles. Le visage n'est pas un sujet anodin. Représenter la figure humaine est une chose singulière…

Tant de manières d'exprimer le visage ! Itzhak Goldberg aborde cette représentation en 22 thèmes dont : La caricature, Le visage cet objet miraculeux, L'entre-deux : Giacometti, Bacon : l'imagination du désastre, autoportraits, Entre les miroirs : Spilliaert, Picasso : autoportraits en métamorphose, Masque mortuaire, Selfie, Visages absents, etc.

L'analyse proposée dans cet ouvrage prend son point de départ chez Goya annonce Itzhak Goldberg. Cet essai très personnel ne traite pas de l'histoire du portrait. L'auteur s'appuie pour commencer son étude sur l'iconoclasme de Goya. Dans ses portraits sans concession, il ne s'intéresse pas à la représentation fidèle mais exprime souvent une cruelle lucidité. Geste irrévérencieux non décelé puisque Goya fit ses portraits royaux et mondains sur commande.

Que se cache-t-il derrière le portrait mis en scène ? L'observation attentive de l'intention de l'artiste est passionnante. Dans La famille Belleli par exemple, Degas établit une distance entre les personnages veillant à ce que leurs regards ne se croisent pas. On remarque que les portraits de la nouvelle bourgeoisie sont influencés par l'avènement de la photographie à la fin du XIXe siècle. Dans les différents mouvements d'avant-garde du XXe siècle, il est exprimé en plages colorées par les Fauves, en masque par Picasso, en construction géométrique ou sans traits par Chirico. Le traitement du visage humain est extraordinairement diversifié. Il exprime une sensation ou est simplement un élément de la composition. Les expressionnistes déforment, ils tordent pour traduire la douleur, l'angoisse. La défiguration symbolise le chaos.

On s'interroge sur ces déformations récurrentes. Correspondent-elles à la formulation d'un malaise intime ou à une crise de la représentation ? C'est passionnant. Les artistes, surtout après le traumatisme de la Grande Guerre et celui de la Seconde Guerre mondiale mettent en question l'humanisme dans une nouvelle syntaxe plastique. Puis avec le pop art le visage retrouve du calme, apparent semble-t-il. La critique, l'ironie sont moins violentes mais percutantes dans une sous-jacence exprimée dans des couleurs flashy. L'hyperréalisme n'est pas en reste, ni la photographie pour des transformations dérangeantes. Du portait du Saint Suaire inspirant Zurbaran aux clichés de photomaton, à l'œuvre de Cindy Sherman, Roman Opalka, Orlan ou Arnulf Rainer, dislocations, images sidérantes, les portraits choisis ne sont pas des portraits apaisés.

Itzhak Goldberg est professeur émérite d'histoire de l'art contemporain. Critique d'art, conseiller scientifique et commissaire d'expositions, il est l'auteur entre autres de : Jawlensky ou le visage promis (1998), L'Expressionnisme, et Chagall (Citadelles & Mazenod 2017 et 2019). Face au visage, ouvrage abondamment et judicieusement illustré est captivant. Remarquablement édité, il constitue un cadeau de fêtes aussi beau que riche de sens.

Relié sous jaquette. Format : 24 x 30 cm. 240 p. 69€. 

Paule Martigny – Mémoire des Arts / blog-des-arts.com