Gérard Garouste / Centre Georges Pompidou - Editions BPI

Mercredi, 5 Octobre, 2022 - 11:06

Des histoires qui se dérobent

Une rétrospective magistrale et nécessaire. Le commissaire de l'exposition est Sophie Duplaix, conservatrice en chef des Collections contemporaines au Musée national d'art moderne, Centre Pompidou, Paris. Le catalogue contient une préface de Laurent Le Bon, président du Centre Pompidou et Xavier Rey, directeur du Musée national d’art moderne-Centre de création industrielle. Les essais sont de Sophie Duplaix, Olivier Kaeppelin, et Marc-Alain Ouaknin. Notons un entretien entre Gérard Garouste et Hortense Lyon, diplômée en histoire de l'art, journaliste à Beaux-arts magazine. L’éditeur nous dit que Gérard Garouste, né en 1946, est un adepte d’une figuration sans concession. Il veut nous convaincre que la peinture de Garouste questionne sans relâche bousculant les certitudes. La rétrospective reflétée par le catalogue édité par les éditions de la BPI du Centre Pompidou vous permettra de saisir le parcours inclassable de Garouste "l’intranquille", ainsi qu’il s’était nommé lui-même dans son livre sous-titré Autoportrait d’un fils, d’un peintre, d’un fou. Olivier Kaeppelin écrit "Gérard Garouste, qui poursuit sa poétique à travers ses interrogations quotidiennes". Oui, ces interrogations collent à la peau de Garouste. Un monde perturbé mais néanmoins facétieux. Oui, comme l’exprime l’œuvre en couverture, il faut être un peu fou pour décliner l’humain sous de tels visages ! Je vous mets au défi de reconnaître Dina ou de chanter Ave Eva. Le mouvement est partout, parfois violemment polémique. Garouste est fasciné par la culture juive, comme dans Le Rabin et le nid d’oiseau. Gérard Garouste ne serait pas ce qu’il est devenu si son père ne s’était révélé un indécrottable antisémite, violent de surcroît. Avec son ami le philosophe Marc-Alain Ouaknin, il interroge depuis longtemps les grands textes. L’éditeur Diane de Selliers démontra son intérêt constant pour cet artiste. Leur passion commune pour les grands textes de l’humanité les réunissant et aboutissant à de somptueuses éditions absolument collector. Passionné par la tradition exégétique juive, Garouste transpose les méthodes d’interprétation des textes dans sa peinture, mais aussi ceux de La Divine Comédie de Dante, Don Quichotte de Cervantès, Goethe, Ovide, Kafka, Rabelais. La rétrospective est rythmée par les grands thèmes de ses expositions : Indiennes,Tal la Rosée (tal en hébreu est traduit par la rosée en français), Kezive la ville mensonge, L’Anesse et la Figue, La Bourgogne, la famille et l’eau tiède, Songe d’une nuit de Walpurgis, fête païenne célébrée clandestinement dans toute l'Europe depuis des temps reculés, identifiée au sabbat des sorcières, Zeugma, ainsi que Natures-mortes, Portraits. Avec Correspondances, la focale est mise sur les grands textes qui interrogent et fondent notre civilisation la Bible le Talmud, la Kabbale. A partir des années 1990, Garouste s’est plongé dans l’étude de la Torah et a appris l’hébreu pour mieux comprendre les textes sacrés et s’est converti au judaïsme en 2014. Devant ses peintures on est interpelés. Le peintre se débat pour exprimer l’ineffable, l’inexprimable, l’inénarrable. Les convulsions, les contorsions, les positions du corps improbables sont poussés à l’extrême, cousines des illuminations du Greco et les envolées de Chagall, danses folles, dérisoires, du rire dément de l’homme en proie à ses démons. Les siens Garouste les a subi jusqu’aux pires extrémités, jusqu’à plusieurs internements au long de sa vie. A chacun son interprétation de la charge symbolique des peintures. Entrez dans le théâtre de l’absurde de celui pour qui "l’art n’est qu’un moyen". L’acte de peindre est ici magistral, dans le sens de génial et beau, et terrible. Une pluralité de lectures s’offre à chacun. Une chose est sûre, que vous aimiez ou non cette œuvre, elle vous bouscule. Une leçon : Gérard Garouste ne cherche pas à séduire, à plaire par une quelconque virtuosité de peintre, il est hors mode, et tant mieux. Il est plutôt le chantre de nous frères humains, à la manière d’un François Villon. Dans notre monde où le culte de l’apparence est pratiquement un art de vivre, faites le voyage d’une traversée au-delà de la peau, et, jusqu’à l’os. Pour conclure méditons cette extrait de 1 Corinthiens 3 : "Que nul ne s'abuse lui-même: si quelqu'un parmi vous pense être sage selon ce siècle, qu'il devienne fou, afin de devenir sage". Gérard Garouste est un infatigable travailleur comme le révèlent les photographies de son atelier. Avec une importante Biographie/Anthologie de 83 pages, composée par Jean-Marc Quittard, chargé de recherche au Centre Pompidou. Gérard et Elisabeth Garouste ont beaucoup contribué à l’élaboration de ce projet. Une attention toute part dans les remerciements est adressée à l’ensemble des prêteurs. Gérard Garouste fut défendu dès ses débuts par la galerie Durant-Dessert, où nous avions découvert son œuvre. Depuis 2001, il expose à la galerie Daniel Templon. Le Centre Pompidou qui n’avait pas consacré de grande exposition à Garouste depuis 1988, lui offre à 76 ans une importante rétrospective avec quelque 120 tableaux majeurs, souvent de très grand format, complétés d’installations, de sculptures et d’œuvres graphiques. Le présent catalogue incomparable, est publié à l’occasion de l’exposition "Gérard Garouste" présentée au Centre Pompidou dans la galerie 2, jusqu’au 2 janvier 2023. Broché. Couverture à très larges rabats. 303 p. Très abondamment illustré par des peintures, des sculptures souvent reproduites en pleine page. Format : 22,2 x 28,4 cm. 304 p. 45€. Alain Vollerin – Mémoire de Arts