Jean-Pierre Eygonnet victime du Coronavirus...

Mardi, 7 Avril, 2020 - 11:01

Admirateur de Jean-Michel Atlan, il fit une part de la valeur de l'Hivernal de Lyon...

Jean-Pierre Eygonnet. Composition, 2009

Jean-Pierre Eygonnet avait fait une carrière de médecin militaire. Passionné par la peinture, il fit d'abord de nombreux paysages lyonnais qui lui valurent d'être accueilli à l'Hivernal de Lyon, encore Salon d'Hiver, présidé par Lara Rolland, artiste talentueuse qui nous a quittés, au mois de décembre 2019. Jean-Pierre Eygonnet qui venait de fêter ses quatre-vingt sept ans, occupait avec son épouse, une chambre d'un Ehpad, à Pollionay, victime de l'épidémie de Coronavirus, le 30 mars 2020, qui tua un pourcentage élevé de ses pensionnaires. L'épouse de Jean-Pierre Eygonnet est une rescapée. Heureusement, Jean-Pierre Eygonnet fut confiné, mais, cela ne suffit hélas pas, à lui conserver la vie sauve. Jean-Pierre Eygonnet, et son épouse, étaient tous deux touchés par la maladie d'Alzheimer, ce qui avait justifié leur placement dans cet Ehpad. Mais, revenons sur le parcours de Jean-Pierre Eygonnet. Jean-Pierre Eygonnet devint un disciple du peintre abstrait, Jean-Michel Atlan qui militait à Paris, après la Seconde Guerre Mondiale, par des conférences, dans son atelier, intitulées « les Samedis d'Atlan », fréquentés par le peintre, Jean Dewasne, et, le critique d'art, Michel Ragon, décédé le 14 février dernier, qui écrivit, après avoir souligné qu'Atlan s'était composé une technique : « Dès mes premières rencontres avec la peinture d'Atlan, il me parut que, en plus de cette technique singulière, l'une de ses originalités les plus frappantes, était justement qu'elle échappait aux qualifications en cours. Elle n'était en effet pas abstraite au sens que l'on donnait alors au mot abstrait, plus ou moins synonyme de géométrie, et qui, en tous cas, n'admettait aucune accointance avec la nature. Elle n'était pas figurative. Elle n'était pas non plus surréaliste, ni expressionniste. Et pourtant, elle tenait de toutes ces tendances. » J'eus l'opportunité de reconnaître, dans la production de Jean-Pierre Eygonnet, en grand format, et parfois, en dyptique, ou, en tryptique, l'influence heureuse et décisive de Jean-Michel Atlan. Jean-Pierre Eygonnet était parvenu à exprimer des émotions personnelles. Je décrivit sa peinture, pour une exposition au château d'Alba la Romaine, en 2004 : « Jean-Pierre Eygonnet a choisi de peindre par amour, pour le plaisir. Il ne cherche pas, il trouve. Eut-il tort de quitter la Figuration, ces incomparables paysages urbains où, Lyon trouvait enfin cette grandeur, ce statut de Capitale, tant attendu ? Déjà, son sens de la spatialité s'accomplissait. Comme, il faut accepter de se mettre en cause pour vivre et peindre en empruntant la voie royale tracée par de grands exemples, comme Serge Poliakoff et Jean-Michel Atlan. » Et, plus loin, dans le même article : « La peinture de Jean-Pierre Eygonnet est peut-être plus allusive qu'il n'y paraît, surtout dans ses diptyques. Jean-Michel Atlan, refusant d'exposer en galerie, cessa de peindre pendant sept ans. Il faut du silence et du temps, pour accomplir une œuvre. Celle de Jean-Pierre Eygonnet réside, peut-être, dans un art de la célébration d'une aventure si riche en émotions, en confrontations qu'elle peut encore s'attacher un destin pour le lier aux autres, à jamais... » Il faudra, dès que possible, après la fatale épidémie, rendre hommage à l'œuvre de Jean-Pierre Eygonnet, à l'Hivernal, ou, au groupe des Douze, auquel, il appartenait depuis sa création. Nous présentons à son épouse, à ses enfants, particulièrement, à sa fille, Muriel Desailly qui partageait avec lui le même intérêt pour l'art, et, à tous leurs amis, nos très respectueuses condoléances. Alain Vollerin. CrItique et historien d'art. Membre de l'AICA.