Salon de Lyon et du Sud-Est 2017, la Rédemption par la Mort...

Dimanche, 5 Novembre, 2017 - 10:18

90e Salon du Sud-Est, une volonté de Renaissance...

Deux amis : Alain Roll et Jacques Peizerat

Il m'était impossible de ne pas me joindre, à l'immense peine des membres de cette institution lyonnaise, née le 7 juin 1925, qui a vu disparaître sept de ses sociétaires. Je n'avais pas besoin de l'invitation de Jean-Louis Mandon. Le Sud-Est va mal. Les caisses sont vides. Le catalogue ne présente plus les œuvres des exposants. Il faut se rendre sur Internet. Il ne se passait plus rien. Si, le président avait chassé un bon nombre d'artistes qu'on ne saurait regretter. Cette décision généra du vide sur les cimaises, et dans la trésorerie. Il fallait des événements. La Mort est venue avec son cortège de larmes, de regrets, de chagrins. La Mort a frappé aveuglément des êtres encore jeunes, comme la chinoise Shih-Chun Lee (1964-2017), ou, Chantal Roux (1949-2016). Elle a rappelé des acteurs décisifs de l'univers artistique lyonnais, comme Jacques Truphémus (1922-2017), Alice Gaillard (1927-2017), Micheline Colin (1925-2017), Henri Castella (1924-2017), et, Pierre Giouse (1929-2017). Je veux saluer le talent de scénographe de Richard Hadorn. Avec peu de moyens, il a réussi une mise en espace lumineuse et monumentale. Bravo ! Il faut des raisons à une action qu'elle soit artistique, ou pas. L'historien, Georges Duby, nous a expliqué que sans la religion chrétienne, nous n'aurions pas, aujourd'hui, les églises romanes, et, les cathédrales célébrées par Jean Couty. La volonté d'honorer ces sept grands absents a subjugué cette édition du Salon. Le collectionneur, Laurent Colin, est touché à double titre. D'abord, par le décès de sa mère, Micheline Colin, dont il a su nous dire l'engagement chrétien, lorsqu'elle peignit une série de «  messes » au début des années soixante. Elle est représentée par une composition à prédelles reconstituées, mais, qui témoigne justement d'une foi sincère et militante. Le décès de Jacques Truphémus qu'il accompagnait souvent lors de ses sorties, fut un drame, cumulé à un accident imprévisible. Nous les avions vus ensemble, pour la dernière fois, lors de l'inauguration du musée Jean Couty, le 17 mars 2017. L'immense toile de Jacques Truphémus tout en lumière, large « Veduta » de la ville de Lyon, inspirée par les recherches d'Alexandre Garbell (me rappelait mon ami, Alain Roll) fit partie d'une commande de la Brasserie des Archers, alors, haut lieu de la restauration lyonnaise. Jean Couty faiasait partie de la sélection, Pierre Pelloux avait peint une vue de Lyon la nuit, et, Jean Fusaro l'entrée des archers dans la Cité (elle fut découpée avant de disparaître). Ils étaient les trois autres bénéficiaires de cet acte de mécénat. Nous devons beaucoup aux recherches documentaires, très sérieuses, de Laurent Colin. Il nous apprend que lors d'une rixe de consommateurs à la Brasserie des Archers, l'un d'eux planta une fourchette dans la toile de Jacques Truphémus qui en porte encore les stigmates. Je veux dire l'engagement humain du poète et peintre, Pierre Giouse. Je l'ai vu souvent, rue Edouard Herriot, dans les bureaux de Travail et Culture, organisation généreuse, conçue par une bourgeoise « éclairée » Marguerite Ribeyrolles qui avait donné naissance, avec le critique d'art dramatique, Henri Leroudier, au journal culturel « Le Spectateur Lyonnais ». Marguerite Ribeyrolles était la mère de notre ami, Alain Roll. Il faut souligner qu'à cette époque, pas si lointaine, Lyon était un parfait désert muséal, ce qui révoltait des personnalités, aussi diverses, que Marcel Michaud, et René Deroudille. Parmi les artistes présents, j'ai remarqué les fleurs virginales, et une chaise accablée de son symbole de solitude ,de Marie-Thérèse Bourrat, le Saint-Sébastien et l'Autoportrait aux tournesols de Champin de Lyon, les deux gigantesques dessins au noir de Victor Caniato, les arbres à Juan-les-Pins et les rochers d'Evelyne Chevalier, les vignes vers Brégançon d'Eric Gouttard, la fraîcheur des bouquets de Jacques Flacher, les moments de forêt douce de Monique Bourgarel, les reflets d'automne dans une mare d'Alain Roll plus imaginatif et libéré que jamais, la série de quatorze photographies de Josette Vialnourrie de ses émotions ressenties au cœur des humus, des murmures, et des clapotis aux alentours de Saint-Cyr-deValorges, les brumes et verglas, et autres terres froides d'Eléna Brugo, les compositions abstraites en vert et bleu de Jacques Peizerat toujours dans le sillon qu'il creuse, avec raison, depuis près d'un demi-siècle. Pour diriger un Salon, il faut des idées, de la noblesse de sentiment, de l'humour pour protéger ses relations avec les autres. Attention, cette société ne peut devenir la vitrine de la Mapra qui occupe déjà un lieu, bien situé, au centre de la Cité. S'il a retenu, quelques éléments de pensée, de sa longue fréquentation des écrits de Charles Péguy, Jean-Louis Mandon dispose, alors, de véritables chances de se maintenir à la direction du Salon de Lyon et du Sud-Est. L'époque n'est plus à la fête, au partage, à la convivialité. Trop d'artistes envoient leurs œuvres, mais, ne viennent plus pour l'inauguration. Plus de buffet, autour d'un verre de Beaujolais. D'ailleurs, cette année, notre amie, Martine Ribeyrolles n'a pas eu l'enthousiasme nécessaire, pour préparer sa gargantuesque terrine aux foies de volailles, selon la recette de Paul Bocuse. En apothéose, on a supprimé le fraternel repas de vernissage. Tristes tropiques ! Tout fout le camp, mes bons amis !... A.V.