Jean-Christophe Ansanay-Alex, un preux templier contemporain...

Mardi, 1 Août, 2017 - 17:17

Un esthète de la cuisine, doté d'une élégance de dandy français...

Bruno Voisin, sociologue, mais aussi, historien de la Saône et de l'Île Barbe, nous apprend que les parents de Jean-Christophe, Jean-Louis et Renée Ansanay-Alex achetèrent l'auberge de l'Île Barbe, et s'installèrent, en 1967. Jean-Louis, véritable professionnel, fut l'ami de Paul Bocuse, et partagea avec lui, les riches heures des Halles, alors situées place des Cordeliers. Tout un univers en ébullition qui, plus tard, fascinera le jeune Jean-Christophe alors hésitant entre le métier d'architecte, et celui de cuisinier. Comme son père, il fit une école d'hôtellerie, puis, demeura pendant quatre ans, comme apprenti, chez Pierre Orsi, fils de Louis Orsi, restaurateur, et ami du célèbre peintre des nuits de Paris, Louis Touchagues. Fidèle à la formule de Stéphane Mallarmé : « Jamais un coup de dés n'abolira le hasard », Jean-Christophe surmonta la dure épreuve de l'accident d'automobile qui lui retira l'usage de son bras droit. Pour d'autres, la vie pouvait s'arrêter là. Pour Jean-Christophe, au contraire, le destin lui donnait des raisons de lutter. Maintenant installé avec ses parents, il obtint une étoile en 1993, puis libre de toutes contraintes, une seconde, en 2002. Les lauriers fleurissaient en abondance, autour de la noble tête de Jean-Christophe. En 2007, il fut accepté par l'exigeante organisation des Relais et Châteaux, au titre de Grand-Chef, puis, il fut reçu en 2012, par la confrérie des Grandes Toques du Monde. Comme Auguste Escoffier (1846-1935) qui dirigea les cuisines de l'Hôtel Savoy, à Londres, Jean-Christophe fut attiré par les berges de la Tamise, et, le souvenir du Cristal Palace, structure de verre exemplairement avant-gardiste. Il ouvre l'Ambassade de l'ïle, qui malheureusement, ne rencontrera pas le succès du « Sketch » de Pierre Gagnaire. Une autre mauvaise nouvelle surgit sur le chemin de Jean-Christophe. Le Guide Michelin lui retira sa deuxième étoile. Le coup fut terrible. Mais, une fois encore, sa culture de l'épreuve protège la destinée de Jean-Christophe. Pourquoi, l'échec est-il plus rude à vivre à Lyon, que n'importe où ailleurs ? Il faut être lyonnais, pour le savoir ! Le preux chevalier reprit sa fière épée, et repartit au combat, pour retrouver cette deuxième étoile. Je crois que le Michelin va rétablir Jean-Christophe dans cette lumière doublement stellaire. Il le mérite, surtout après les efforts qu'il fit pour la mise en place d'un décor très actuel, d'une blancheur virginale, propice au recueillement, à la célébration spirituelle de l'instant gastronomique. En salle, Gaëlle dirige modestement une brigade attentive. Je pourrais évoquer son crémeux exotique de langoustine, avocat, mangue et grenade, ou, le dos d'omble chevalier au beurre de mousserons, petits pois et verveine. Il porte, comme une épine dorsale de conte de fées, un léger feuilleté réalisé avec sa peau, qui constitue dans votre palais, une parfaite introduction à la dégustation de sa fine chaire d'habitant des grands lacs de montagne. Cet acte de création est la signature d'un chef talentueux. Mais, je préfère diriger votre attention vers un dessert vraiment extraordinaire, digne des plus éclatantes soirées du Second Empire : le melon rôti et caramélisé, émulsion de Brousse fraîche, sauce Suzette (terme fourni à Escoffier par le Prince de Galles) au poivre Timut et baies roses. Vraiment divin ! Pas de repas estimable sans bons vins : Condrieu, Les grandes Chaillées 2015, de Stéphane Montez, domaine du Monteillet, et Côte de Nuits Village 2014, les Chaillots, domaine Gachot-Monot). Mais, avant tous ces bonheurs gustatifs, prenez un apéritif sur la terrasse ombragée. Cette maison du 17e siècle contient depuis peu, une suite, une apothéose, où, vous dormirez une nuit paisible (peut-être). L'auberge de l'Île, vous accueille tout l'été, pour vous permettre de déguster, selon la formule du chef qui cultive un naturel talent d'écrivain : Une palette de gourmandises fraîches, salées et sucrées, toujours entièrement faites « Maison »... Que de bons présages pour un relais sagement ambiancé, et inscrit dans la durée ! Avec une telle abnégation, le rêve d'une troisième étoile apparaît tout à fait accessible... Auberge de l'Île Barbe - Place Notre-Dame - Lyon 9e. 04 78 83 99 49