Débâcle / Éditions Paulsen

Par Ian Manook, l’un des pseudos de Patrick Manoukian, journaliste et globe-trotter écrivain. Il s’agit d’une expédition sauvage au cœur d’une nature grandiose et inhospitalière, en Sibérie. On est ravis du retour de Ian Manook en Asie centrale. On avait dévoré son Yeruldelgger dans les steppes mongoles. Débâcle donne aussi envie de lire ou relire Ravage (Paulsen, 2023). Nous vous conseillons également, Le Pouilleux massacreur (La Manufacture de livres, 2024). Un roman noir aux accents autobiographiques qui se déroule en France.
L’action de Débâcle débute à Balitsky Point, en 1991. Le Soviet Suprême a dissous l’Union soviétique et le Parti communiste dont tout dépendait : salaires, pensions, carburant, munitions. Les Républiques retrouvent leur indépendance dans la débâcle de l’empire. C’est le chaos. Piotr, un ancien agent du KGB a pour mission de retrouver et d’éliminer le dernier témoin d’un goulag, un zek nommé Boris Poliakov. Il faut effacer les traces du passé. Mais comment le dépister dans ce territoire immense, "Le cul-de-basse-fosse de l’empire. Moins soixante-sept degrés les mauvais jours d’hiver, trente-cinq en été, et sous un mètre de neige deux cents jours par an." ?
Piotr descend de l’hélico qui ravitaille tous les six mois ce comptoir isolé de Sibérie. Dans ce pays âpre et immense commence alors une traque machiavélique pendant laquelle ni les bêtes sauvages, ni les incendies, ni les fous de Dieu, ni les tortionnaires n’entameront la détermination du chasseur et de sa proie. Or, le survivant du goulag qui s’appelle désormais Fiodor, est devenu un ermite impossible à localiser. Piotr a pour guide Liouba, une adolescente qui connaît parfaitement ce territoire. Les rencontres au hasard du parcours, dont un chien jaune, les événement naturels d’une ampleur inaccoutumée et la nécessité de vivre en survivaliste donnent à ce récit des allures de polar écologique. On est puissamment tenus en haleine. Un incendie gigantesque ajoute à l’ampleur des drames permanents. On apprend à cette occasion qu’un gros bourdon, curieux coléoptère pyrophile détecte les incendies de forêt et fonce au centre du brasier. Pour celui qui sait lire les signes de la nature, il faut fuir sans délai en sens inverse. "On dit que le mangeur de feu détecte un incendie à plus de cent kilomètres. Cette espèce de scarabée recherche les feux de forêt parce qu’elle pond ses œufs dans du bois tout juste brûlé et encore chaud."
On vibre et on souffre dans la taïga, plaines glacées de Sibérie, les forêts profondes, le royaume de l’ours, pris au milieu des eaux de la fonte qui bouillonnent, on apprend la dermite des apiacées qui brûle la peau, tout cela et plus encore, sous la plume imagée et acérée de Ian Manook. Fous de dieu, chamanes, chasseurs, aventuriers enrichissent ce roman de leurs particularités souvent excessives. Un roman impossible à lâcher, entre aventure insensée, survivalisme et quête spirituelle. Piotr sera-t-il capable de remettre en question l’objectif de sa mission, malgré sa rigidité d’ancien du KGB ?
Broché. Format : 15 x 21 cm. 384 p. 19,90€
Paule Martigny
Mémoire des Arts – blog-des-arts.com