Le stradivarius de Goebbels / Slatkine & Cie

Mercredi, 3 Mars, 2021 - 10:14

Un cadeau empoisonné

Yoann Iacono, né en 1980 à Bordeaux est l’auteur du roman vrai de Nejiko Suwa (1920-2012). La période de 1943 à 1951 constitue l’axe de ce premier roman, pour lequel il a enquêté trois ans en France, en Allemagne et au Japon. Nejiko Suwa était une jeune virtuose japonaise à qui Joseph Goebbels offrit un Stradivarius à Berlin en 1943, au nom de son talent et de la célébration de l’Axe Berlin-Tokyo. Nejiko Suwa se trouva plongée au cœur d’événements qui la dépassaient. Elle souffrait aussi de ne pouvoir apprivoiser son violon, se heurtant à un mur. Pendant son séjour à Paris elle consulta un célèbre luthier. Il lui révéla qu’il s’agissait en fait d’un Guarneri, œuvre d’un luthier contemporain et rival de Stradivari. Malgré ses efforts le blocage persista. Tous les violons ont une âme, elle chercha alors à connaître le nom du précédent propriétaire. L’histoire du Stradivarius la hantait. Nejiko Suwa apprit que le violon avait été spolié à Lazare Braun, un jeune musicien juif déporté avec sa famille à Auschwitz. Le violon faisait partie d’une importante saisie d’instruments de musique, volés aux juifs. Opération supervisée par le musicologue Herbert Gerigk, qui ne fut pourtant pas inquiété après la guerre, ni par la justice de son pays, ni par les Américains ! En 1946, Félix Sitterlin, le narrateur, musicien de la brigade de musique des Gardiens de la Paix à Paris est chargé par les autorités de la France Libre de rechercher le violon confisqué et le récupérer. Il rencontre Nejiko Suwa qui finit par lui confier son journal intime. Elle avait fini par apprivoiser son instrument auquel elle se sentait définitivement liée. Pourquoi Yoann Iacono a-t-il choisi la forme romanesque plutôt que la biographie ? Parce que comme l’écrivait Mark Twain qu’il cite : « Si la réalité dépasse la fiction, c’est que la fiction doit rester crédible, pas la réalité » (« En suivant l’Equateur », 1897). Une lecture recommandée pour le parcours de Nejiko Suwa considérée comme la plus grande violoniste japonaise et pour le contexte pendant et après la Seconde guerre mondiale à Berlin, Paris, Tokyo. Broché. Format : 14 x 21 cm. 240 p. 16€. Paule Martigny