Tant mieux / Albin Michel

Mardi, 7 Octobre, 2025 - 09:18

Tant mieux, pour ne pas dire tant pis.

A chaque rentrée littéraire, fidèle à sa régularité métronomique, Amélie Nothomb publie un roman. Avec ce 34e livre, elle étonne une fois de plus. Face aux deux cents et quelques pages composées en gros caractères, bien qu’il y en ait eu de plus courts encore, je pense, elle exagère. Un an pour écrire ça.  

Erreur. Dès les premières lignes, avec le juste choix des mots et leur organisation dans la simplicité, on comprend. C’est un vrai travail. En profondeur et en précision. Amélie Nothomb écrit plusieurs heures pas jour. Une astreinte et une nécessité vitale. Elle noircit des pages, comme le peintre pose ses couleurs et le sculpteur ébauche sa glaise. Mais ensuite, il faut faire quelque chose de tout ça. Le plus difficile est à venir. Du premier jet doit naître le meilleur.

Tant mieux c’est l’histoire de sa mère décédée en 2024. Amélie Nothomb s’y est plongée en profondeur. Elle s’est fondue dans le corps de cette petite fille de quatre ans déposée pour deux mois d’été en 1942, chez sa grand-mère maternelle. Une personne d’une rare cruauté. Sadique.

Le début du récit est éprouvant. La petite qui vit un enfer, trouve en elle et dans son imaginaire les ressources pour affronter cette épreuve. Elle a conscience qu’elle est seule, que personne ne va venir la sauver. Face à l’ignominie, les deux mots magiques, "tant mieux", lui viennent à l’esprit. Meilleurs qu’une armure, ils sont une ouverture. Cette philosophie du tant mieux, résistance courageuse, sera sa colonne vertébrale. La vie de sa mère s’écoule ensuite, façonnée par ce séjour, magnifiquement racontée jusqu’à la bienheureuse rencontre de celui qui sera son père. Pourquoi n’écrire que maintenant un livre sur sa mère alors qu’elle l’a fait bien avant sur son père (Premier sang (2021) et Psychopompe (2023) ? Elle répond à cette interrogation dans la dernière partie.  

Avec une distance d’une drôlerie subtile et bouleversante, les liens, cette chose indescriptible, Amélie Nothomb les écrit avec sa grâce naturelle. Elle connaît aussi les vexations et les douleurs profondes cette autre petite fille. Ce roman est une merveilleuse déclaration d’amour à cette mère hors normes, si déconcertante. Vous comprendrez que celle qui vivante enfouissait ses confidences, à présent morte, sa fille l’entend comme jamais.

A lire instamment. C’est déjà un best-seller.

Broché sous jaquette. Format : 20 x 13 cm. 216 p. 19,90€

Paule Martigny / Mémoire des Arts – blog-des-arts.com