Un gentleman à Moscou / Fayard

Mercredi, 31 Octobre, 2018 - 10:54

Coup de cœur pour de roman étonnant

L'auteur, Amor Towles, est né en 1964, dans la banlieue de Boston. C'est son deuxième roman, et c'est un sacré morceau. Il est de ces récits, dont un fait durer le plaisir de la lecture, avec la joie secrète de les relire. L'Hôtel Metropol de Moscou est un palace. De ses fenêtres on aperçoit le Bolchoï et le théâtre Maly. Le comte Alexandre Ilitch Rostov y vit dans une de ses suites luxueuses, aux dimensions grandisoses. C'est son domicile depuis qu'il a abandonné le domaine familial, devenu propriété de la révolution. Sous escorte, il quitte le Kremlin, où il a subit un interrogatoire. Arrivé sur le perron de l'hôtel, il salue les deux soldats, obligés de lever la tête pour croiser le regard de cet homme d'un bon mètre quatre-vingt-dix. Après un instant de stupéfaction, l'un d'eux le pousse de son fusil. Ils sont censés le conduire à sa chambre. Le comte, selon son habitude, gravit les marches deux à deux, jusqu'à la porte de sa suite. Sauf que « ses quartiers » sont à présent sous les toits, dans un minuscule grenier. « Et le reste? » s'enquiert-il. Le reste devient la propriété du peuple, lui est-il répondu. Pour aménager son nouveau lieu de vie, le comte choisit quelques objets et quelques meubles, dont une énorme valise en cuir baptisée Madame l'ambassadrice, qui aura une grande importance dans l'avenir. What else? Et bien, dorénavant le comte est assigné à résidence. S'il met un pied dehors, il sera abattu sur le champ. Voici le sujet planté. Le comte sémillant, érudit et raffiné, accepte philosophiquemt son sort. Il ne sait pas que cette assignation va durer plus de trente ans. Le récit est passionnant, sans une seule ligne ennuyeuse. Le comte se lie avec le personnel de l'hôtel, devient l'amant d'une actrice célèbre, et, avec une petite fille étonnante pénètre dans les coulisses d'un monde qu'il ne soupçonnait pas. Il connaît l'extrême mélancolie, l'amertume de la joie et la douceur du désespoir. Pense au suicide. Ce qui nous étonne c'est qu'il ne songe jamais à s'évader. Dans sa cage dorée, Alexandre Ilitch Rostov vit la fin d'un monde et l'évolution des tendances Depuis ce microcosme, ce monde en miniature, on suit tous les événements politiques de l'URSS. On vibre au sein de l'âme russe, de la littérature, de la poésie, de la musique, de la gastronomie, et des arts de la table. Alexandre Illich Rostov est un conteur né, il a le don des anecdotes et la science des plans de table ou art de la diplomatie, qualité qui lui sera bien utile. Enthousiasmant. Plein de surprises. A offrir à un esprit subtil. Traduit de l'anglais (Etas-Unis) par Nathalie Cunnington. Broché avec rabats. Format : 23,5 x 15,5 cm. 576 p. 24€. Paule Martigny