Mémoires – Albert Kesserling / Perrin

Samedi, 3 Juillet, 2021 - 14:15

Soldat jusqu’au dernier jour

Edition présentée et annotée par Benoît Rondeau, enseignant en histoire-géographie, spécialiste de la Seconde Guerre mondiale, auteur entre autres de, « Rommel », « Patton », « Afrikakorps », « Etre soldat de Hitler », « Le soldat britannique ». Albert Kesserling (1885-1960) est l’un des grands généraux de la Wehrmacht. Très jeune il embrassa la carrière des armes en dehors de toute tradition familiale. Chef d'état-major de la Luftwaffe entre 1936 et 1938, Kesselring conduisit l'aviation allemande à la victoire dans les campagnes de Pologne et de France. Il la commanda encore durant la bataille d'Angleterre et l'opération Barbarossa, avant de basculer, fin 1941, à la tête des armées allemandes pour la Méditerranée, présidant au repli en Afrique du Nord (en liaison avec son grand rival Rommel) puis à la défense stratégique de l'Italie, où son commandement est considéré comme un modèle du genre. Jouissant de sa réputation d'invincibilité, il termina la guerre à la tête d'un front ouest réduit à peau de chagrin sous la pression conjointe des Alliés et de l'Armée rouge. Il était très populaire auprès de ses troupes, qui le surnommaient " oncle Albert ". Ses Mémoires écrits en captivité, publiés en 1953, et jamais réédités depuis, sont exceptionnels dans la mesure où ils présentent le point de vue technique d’un des principaux acteurs des opérations entreprises par le Reich. On constate que Kesserling fait tout pour justifier le fait que la Wehrmacht était « une arme apolitique et professionnelle, absoute de tous les crimes du nazisme qui ne sont imputables qu’aux SS et au régime. » Ça laisse songeur ! Peut-on croire qu’il n’ait pointé que des cibles militaires ? Aucune attaque de civils ? Difficile à croire. Guernica ça vous dit quelque chose ? De plus il glisse sur les préludes de la Solution finale et ne fait jamais allusion aux Juifs. Est-il possible qu’il n’en ait pas eu connaissance ? Dans le cas des distorsions de la réalité, sa version des faits ouvertement anticommunistes occulte pourtant nombre d’événements. Bien qu’il prétende aspirer à l’objectivité comme il le déclare dans son avant-propos, force est de constater qu’il fait souvent preuve de mauvaise foi. Le lecteur au fait de l’Histoire de cette période repèrera facilement clichés et contre-vérités. Dans le récit de la guerre du désert on mesure à quel point il jalouse Rommel le « Renard du désert ». C’est assez savoureux de perfidie. « L’exemplaire » mémorialiste a des trous de mémoire quant au sort réservé aux résistants et de l’acceptation instantanée des ordres de Hitler, de dix fusillés pour chaque soldat allemand tué. On sait aujourd’hui que le soldat allemand était endoctriné. La Wehrmacht n’était pas hostile à Hitler. Kesserling, soldat avant tout (« je n’ai été qu’un soldat et, dans toutes les situations, je me suis efforcé d’agir en soldat ») n’a pas reconnu une seule fois le caractère criminel du régime. Son témoignage partial reste néanmoins précieux à condition de le contextualiser. Il reste capital pour l’histoire militaire de la Seconde Guerre mondiale. Albert Kesserling fut jugé pour crimes de guerre et condamné à mort en 1947. La sentence sera commuée en réclusion à perpétuité, et à une libération rapide en 1952 pour raisons de santé. Lecture conseillée. Traduit de l’allemand par le colonel Jean-François-Adolphe Goutard. Broché. Format : 15 x24 cm. 416 p. 25€. Paule Martigny. Mémoire des Arts