Nicolas de Staël / Éditions Citadelles & Mazenod

Mercredi, 29 Novembre, 2023 - 10:17

Pour le solitaire Nicolas de Staël (1914-1953) l'engouement est constant. Chacune de ses expositions connaît un succès retentissant.

Nicolas de Staël, figure incontournable de la scène artistique française d'après-guerre est actuellement célébré par une exposition d'envergure au musée d'Art moderne de la Ville de Paris jusqu'au 21 janvier 2024. La peinture et la personnalité de Nicolas de Staël ne laissent personne indifférent. Dans cette circonstance les éditions Citadelles & Mazenod ont publié cet ouvrage unique.

Guitemie Maldonado l'auteur de ce livre éblouissant taille XXL est historienne de l'art. Elle enseigne à l'université de Paris I, à l'École nationale supérieure des beaux-arts de Paris et à l'École du Louvre. Elle a publié des livres sur l'art, est critique d'art pour les revues L'Œil, Connaissance des arts, Artforum, et à la radio pour l'émission « Peinture fraîche » produite par Jean Daive.

Quels éléments sont constitutifs de la légende de Nicolas de Staël ? Guitemie Maldonado s'est penchée sur la question avec une mise en perspective de son oeuvre à travers sa biographie et le contexte artistique. Avec cet ouvrage remarquable, on ne peut rêver plus belle qualité éditoriale, les peintures bénéficient de reproductions en grand format. Des photographies de Nicolas de Staël plus où moins connues illustrent le texte puissamment documenté et rédigé dans une volonté de partage. Nous entendons par là que le jargon élitiste qui ne s'adresse qu'à un cercle restreint, voir parfois dans une simple satisfaction égocentrique n'est pas ici de mise.

Guitemie Maldonado rappelle à juste titre Le Prince foudroyé de Laurent Greilsamer, biographie parue en 2003 chez Fayard (Livre de poche 2009). Est-ce sa situation d'orphelin dès son plus jeune âge qui a prévalu à son destin ? Ou la propension de l'âme russe à la passion et à la mélancolie ? Ou bien encore, la fatalité était-elle inscrite dans son "karma" ? De multiples pistes sont envisageables, il n'en reste pas moins que l'œuvre est là dans toute sa puissance, sa rage et son désespoir, indissociable de l'art de son époque, certes, – Lanskoy, Soulages, Atlan, Kline, etc - , mais immédiatement identifiable. Assurément, comme l'a écrit Germain Viatte : "son œuvre inéluctablement dans le registre du drame, de l'émotion pure…"

Nicolas de Staël était attaché à sa culture natale, à la noblesse de sa naissance et aux épreuves de sa prime enfance. Ses parents issus de la haute aristocratie, proches du tsar, furent pris dans la tourmente de l'histoire, laissant trois orphelins, Nicolas et ses deux sœurs, recueillis en Belgique. Les débuts furent durs en France. A la trentaine il fallait survivre en temps de guerre. Puis début 1946, sa compagne Jeanne Guillou décéda de la tuberculose. Les années suivantes tout bascula. Sa peinture connut un grand succès surtout en Amérique alors friande d'art abstrait. Le terrible exil russe, les années dures, les peines de cœur, et l'épuisement dû au succès et à une demande stressante l'éprouvèrent terriblement. Son suicide remit alors toute son œuvre en question, à commencer par l'examen du dernier tableau Le Concert de mars 1995, immense (350 x 600 cm). Retenons pour résumer, cet extrait d'une lettre envoyée à Pierre Lecuire (Autun, 27 novembre 1945) : "Ne vous tourmentez pas à mon sujet, des bas-fonds on rebondit si la houle le permet, j'y reste parce que je vais aller sans espoir jusqu'au bout de mes déchirements, jusqu'à leur tendresse."

L'acquisition de cet ouvrage est fortement recommandée pour les admirateurs du peintre. Un cadeau exceptionnel. Édition luxueuse reliée. Couverture toilée. Sous coffret. Format : 30,5 x 44,5 cm. 328 p. 245€.

Paule Martigny. Mémoire des Arts / blog-des-arts.com